Notre-Dame-des-Hirondelles (Marguerite Yourcenar, 1938)

coquillage


Cette traduction est le résultat du travail collectif des élèves de 2nde3 (21 élèves). Le travail a commencé en classe de français par l'étude du recueil des Nouvelles Orientales, de Marguerite Yourcenar, et s'est poursuivi avec les deux professeurs de français et de portugais.

Notre-Dame-des-Hirondelles

     Le moine Thérapion avait été dans sa jeunesse le disciple le plus fidèle du grand Athanase ; il était rude, austère, doux seulement avec les créatures en qui il ne soupçonnait pas la présence des démons. En Egypte, il avait ressucité et évangélisé des momies ; à Byzance, il avait confessé des empereurs ; il était venu en Grèce sur la foi d'un songe, dans l'intention d'exorciser cette terre encore soumise aux sortilèges de Pan. Il s'enflammait de haine à la vue des arbres sacrés où les paysans atteints de la fièvre suspendent des chiffons rouges chargés de trembler à leur place au moindre souffle du soir, les phallus érigés dans les champs pour obliger le sol à porter des récoltes et les dieux d'argile nichés au creux des murs et dans la conque des sources. Il s'était bâti de ses propres mains une étroite cabane sur les berges du Céphise, en ayant soin de n'employer que des matériaux bénis. Les paysans partageaient avec lui leurs maigres aliments, mais bien que ces gens fussent hâves, blèmes et découragés par les famines et les guerres qui avaient fondu sur eux, Thérapion ne parvenait pas à les tourner du côté du ciel. Ils adoraient Jesus, le fils de Marie, vêtu d'or comme un soleil levant, mais leur coeur obstiné restait fidèle aux divinités qui nichent dans les arbres ou émergent du bouillonnement des eaux ; chaque soir, ils déposaient sous le platane consacré aux nymphes une écuelle de lait de la seule chèvre qui leur restât ; les garçons se glissaient à midi sous les bouquets d'arbres, pour épier ces femmes aux yeux d'onyx, qui se nourrissent de thym et de miel. Elles pullulaient partout, filles de cette terre dure et sèche où ce qui ailleurs se dissipe en buée prend aussitôt figure et substance de réalité. On retrouvait la trace de leurs pas dans la glaise des fontaines, et la blancheur de leurs corps se confondait de loin avec le miroitement des rochers. Il arrivait même qu'une nymphe mutilée survécût encore dans la poutre mal rabotée qui soutenait un toit, et, la nuit on l'entendait se plaindre ou chanter. Presque chaque jour, du bétail charmé se perdait dans la montagne, et l'on ne retrouvait que des mois plus tard un petit tas d'ossements. les Malignes prenaient les enfants par la main et les emmenaient danser au bord des précipices ; leurs pieds légers ne touchaient pas terre, mais le gouffre happait les lourds petits corps. Ou bien, un jeune garçon lancé sur leur piste redescendait hors d'haleine, grelottant de fièvre, ayant bu la mort avec l'eau d'une source. Après chaque désastre, le moine Thérapion montrait le poing aux bois où se cachaient les Maudites, mais les villageois continuaient à chérir ces fraîches fées à demi invisibles, et ils leur pardonnaient leurs méfaits comme on pardonne au soleil qui désagrège la cervelle des fous, à la lune qui suce le lait des mères endormies, et à l'amour qui fait tant souffrir.

     Le moine les craignait comme une bande de louves, et elles l'inquiétaient comme un troupeau de postituées. Jamais ces fantasques belles ne le laissaient en paix ; la nuit, il sentait sur son visage leur souffle chaud comme celui d'une bête à demi apprivoisée qui rôde dans une chambre. S'il s'aventurait, à travers la camapgne muni du viatique pour un malade, il entendait résonner sur ses talons leur trot capricieux et saccadé de jeunes chèvres ; s'il lui arrivait, en dépit de ses efforts, de s'endormir à l'heure de la prière, elles venaient innocemment lui tirer la barbe. Elles n'essayaient pas de le séduire, car elles le trouvaient laid, comique et très vieux dans ses épais vêtements de bure brune et, malgré leur beauté elles n'éveillaient en lui aucun désir impur, car leur nudité lui répugnait comme la chair pâle de la chenille ou le derme lisse des couleuvres. Elles l'induisaient pourtant en tentation, car il finissait par douter de la sagesse de Dieu, qui a façonné tant de créatures inutiles et nuisibles, comme si la création n'était qu'un jeu malfaisant auquel il se complaît. Un matin, les villageois trouvèrent leur moine occupé à scier le platane des nymphes, et ils s'affligèrent doublement, car d'une part ils craignaient la vengeance des fées qui s'en iraient emportant avec elles les sources, et d'autre part, ce platane ombrageait la place où ils avaient coutume de se réunir pour danser. Mais ils ne firent pas de reproche au saint homme, de peur de se brouiller avec le Père qui est au ciel, et qui dispense la pluie et le soleil. Ils se turent, et les projets du moine Thérapion contre les nymphes furent encouragés par ce silence.

     Il ne sortait plus qu'avec deux silex dissimulés dans le pli de sa manche, et le soir, subrepticement, lorsqu'il n'apercevait aucun paysan dans la campagne déserte, il mettait le feu à un vieil olivier dont le tronc carié lui semblait réceler des déesses, ou à un jeune pin écailleux dont la résine versait des pleurs d'or. Une forme nue s'échappait du feuillage et courait rejoindre ses compagnes, immobiles au loin comme des biches effarouchées et le saint moine se réjouissait d'avoir détruit un des repaires du Mal. Partout, il plantait des croix, et les jeunes bêtes divines s'écartaient, fuyaient l'ombre de cette espèce de gibet sublime, laissant autour du village sanctifié une zone toujours plus vaste de silence et de solitude. Mais la lutte se poursuivait pied à pied sur les premières pentes de la montagne, qui se défendait à l'aide de ronces épineuses et de chutes de pierres, et d'où il est plus difficile de chasser les dieux. Enfin, encerclées par la prière et par le feu, amaigries par l'absence d'offrandes, privées d'amour depuis que les jeunes gens du village commençaient à se détourner d'elles, les nymphes cherchèrent refuge dans un vallon désert, où quelques pins tout noirs plantés dans le sol argileux faisaient penser à de grands oiseaux ramassant dans leurs fortes serres la terre rouge et remuant dans le ciel les mille pointes fines de leurs plumes d'aigle. Les sources qui suintaient là sous des tas de pierres informes étaient trop froides pour attirer les lavandières et les bergers. Une grotte se creusait à mi-flanc d'une colline, et on n'y accèdait que par une embouchure juste assez large pour livrer passage à un corps. De tout temps, les nymphes s'y étaient réfugiées par les soirs où l'orage troublait leurs jeux, car elles craignaient le tonnerre, comme toutes les bêtes des bois, et c'était là aussi qu'elles dormaient par les nuits sans lune. De jeunes pâtres prétendaient s'être glissés dans cette caverne au péril de leur salut et de la vigueur de leur jeunesse, et ils ne tarissaient pas au sujet de ces doux corps à demi visibles dans les fraîches ténèbres et de ces chevelures plus devinées que palpées. Pour le moine Thérapion, cette grotte dissimulée dans le flanc du rocher était comme un cancer enfoncé dans son propre sein, et debout au centre de la vallée, les bras levés, immobile durant des heures entières, il priait le ciel de l'aider à détruire ces dangereux restes de la race des dieux.

     Peu après Pâques, le moine réunit un soir les plus fidèles et les plus rudes de ses ouailles ; il les arma de pioches et de lanternes ; il se munit d'un crucifix et les guida à travers le dédale de collines, dans les molles ténèbres pleines de sève, anxieux de mettre à profit cette nuit noire. Le moine Thérapion s'arrêta sur le seuil de la grotte, et il ne permit pas à ses disciples d'y pénétrer, de peur qu'ils ne fussent tentés. Dans l'ombre opaque, on entendait glousser les sources. Un faible bruit palpitait,  doux comme la brise dans les pinèdes ; c'était la respiration des nymphes endormies, qui rêvaient de la jeunesse du monde, du temps où l'homme n'existait pas encore, et où la terre n'enfantait que les arbres, les bêtes et les dieux.  Les paysans allumèrent un grand feu, mais il fallut renoncer à brûler le rocher ; le moine leur ordonna de gâcher du plâtre, de charrier des pierres. Aux premières lueurs de l'aube, ils avaient commencé la construction d'une petite chapelle accolée au flanc de la colline, devant l'embouchure de la grotte maudite. Les murs n'étaient pas secs, le toit n'était pas encore posé, et la porte manquait, mais le moine Thérapion savait que les nymphes ne tenteraient pas de s'échapper au travers de ce lieu saint, que déjà il avait consacré et béni. Pour plus de sûreté, il avait planté au fond de la chapelle, à l'endroit où s'ouvrait la bouche du rocher, un grand Christ peint sur une croix à quatre bras égaux, et les nymphes qui ne comprennent que les sourires reculaient d'horreur devant cette image du Supplicié. Les premiers rayons du soleil s'allongeaient timidement jusqu'au seuil de la caverne: c'était l'heure où les malheureuses avaient coutume de sortir, pour prendre sur les feuilles des arbres voisins leur premier repas de rosée ; les captives sangloitaient, suppliaient le moine de leur venir en aide et dans leur innocence, s'il consentait à leur permettre de fuir, lui promettaient de l'aimer. Toute la journée, les travaux se poursuivirent, et, jusqu'au soir, on vit des pleurs tomber de la pierre, on entendit des toux et des cris rauques pareils aux plaintes des bêtes blessées. Le jour suivant, on posa le toit, et on l'orna d'un bouquet de fleurs ; on ajusta la porte, et l'on fit tourner dans la serrure une grosse clef de fer. Cette nuit-là, les paysans fatigués redescendirent au village, mais le moine Thérapion coucha près de la chapelle qu'il avait élevée, et toute la nuit les plaintes de ses prisonnières l'empêchèrent  délicieusement de dormir. Il était compatissant, néanmoins, car il s'attendrissait sur un ver foulé aux pieds, ou sur une tige de fleur rompue par le frôlement de son froc, mais il était pareil à un homme qui se réjouit d'avoir emmuré entre deux briques un nid de jeunes vipères.

     Le lendemain, les paysans apportèrent du lait de chaux, ils badigeonnèrent le dedans et le dehors de la chapelle, qui prit alors l'aspect d'une blanche colombe blottie au sein du rocher. Deux villageois moins peureux que les autres s'aventurèrent dans la grotte pour blanchir ses parois humides et poreuses, afin que l'eau des sources et le miel des abeilles cessent de suinter à l'intérieur du bel antre et de soutenir la vie défaillante des femmes fées. Les nymphes affaiblies n'avaient plus la force nécessaire pour se manifester aux humains ; à peine, çà et là, se devinaient vaguement dans la pénombre une jeune bouche contractée, deux frêles mains suppliantes, ou la pâle rose d'un sein. Ou de temps à autre, en promenant sur les aspérités du rocher leur gros doigts blanchis par la chaux, les paysans sentaient fuir une chevelure souple et tremblante comme ces capillaires qui poussent dans les endroits humides et abandonnés . Le corps défait des nymphes se décomposait en buée, ou s'apprêtait à tomber en poussière comme  les ailes d'un papillon mort ; elles gémissaient toujours, mais il fallait prêter l'oreille pour écouter ces faibles plaintes ; ce n'était déjà plus que des âmes de nymphes qui pleuraient.

   
     Toute la nuit suivante, le moine Thérapion continua de monter sa garde de prière au seuil de la chapelle, comme un anachorète dans le désert. Il se réjouissait de penser qu'avant la nouvelle lune les plaintes auraient cessé, et que les nymphes, mortes de faim ne seraient plus qu'un impur souvenir. Il priait pour hâter cet instant où la mort délivrerait ses prisonnières, car il commençait bien malgré lui à les plaindre, et il s'en voulait de cette honteuse faiblesse. Personne ne montait plus jusqu'à lui ; le village lui semblait aussi éloigné que s'il avait été situé sur l'autre rebord du monde ; il n'apercevait sur le versant opposé de la vallée que de la terre rouge, des pins, et un sentier à demi-caché sous les aiguilles d'or. Il n'entendait que ces râles qui allaient diminuant toujours, et le son de plus en plus enroué de ses propres prières.

   
      Au soir de ce jour-là, il vit sur le sentier une femme qui venait vers lui. Elle marchait la tête basse, un peu voûtée ; son manteau et son écharpe étaient noirs, mais une lueur mystérieuse se faisait jour à travers cette étoffe obscure, comme si elle avait jeté la nuit sur le matin. Bien qu'elle fût très jeune, elle avait la gravité, la lenteur, la dignité d'une très vieille femme, et sa suavité était pareille à celle de la grappe mûrie et de la fleur embaumée. En passant devant la chapelle, elle regarda attentivement le moine, qui en fut dérangé dans ses oraisons.
 “Ce sentier ne conduit nulle part, femme, lui dit-il. D'où viens-tu ?
- De l'est, comme le matin, dit la jeune femme. Et que fais-tu ici, vieux moine?
- J'ai muré dans cette grotte les nymphes qui infestaient encore la contrée, dit le moine, et devant l'ouverture de l'antre, j'ai bâti une chapelle, qu'elles n'osent pas traverser pour fuir, car elles sont nues, et à leur manière elles craignent Dieu. J'attends qu'elles meurent de faim et de froid dans leur caverne, et, quand ce sera fait, la paix de Dieu règnera sur les champs.
- Qui te dit que la paix de Dieu ne s'étend pas aux nymphes comme >aux biches et aux troupeaux de chèvres ? Répondit la jeune femme. Ne sais-tu pas qu'au temps de la création Dieu oublia de donner des ailes à certains anges qui tombèrent sur la terre et s'établirent dans les bois, où ils formèrent la race des nymphes et des Pans ? Et d'autre s'installèrent sur une montagne, où ils devinrent des dieux olympiens. N'exalte pas, comme les païens, la créature aux dépens du Créateur, mais ne soit pas non plus scandalisé par Son oeuvre. Et remercie Dieu dans ton coeur, pour avoir créé Diane et Apollon.
- Mon esprit ne s'élève pas si haut, dit humblement le vieux moine. Les nymphes troublent mes ouailles et mettent en danger leur salut, dont je suis responsable devant Dieu, et c'est pourquoi je les poursuivrai s'il le faut jusqu'en enfer.
- Et ce zèle te sera compté, honnête moine, dit en souriant la jeune femme. Mais n'aperçois-tu pas un moyen de concilier la vie des nymphes et le salut de tes ouailles ?"
     Sa voix était douce comme une musique de flûtes. Le moine inquiet baissa la tête. La femme lui posa la main sur l'épaule et lui dit gravement :
“Moine, laisse-moi entrer dans cette grotte. J'aime les grottes, et j'ai pitié de ceux qui y cherchent refuge. C'est dans une grotte que j'ai mis au monde mon enfant, et c'est dans une grotte que je l'ai confié sans crainte à la mort, afin qu'il subisse la seconde naissance de la Résurrection.”
    L'anachorète s'écarta pour la laisser passer. Sans hésiter, elle se dirigea vers l'entrée de la caverne, dissimulée drrière l'autel. La grande croix en barrait le seuil ; elle l'écarta doucement comme un objet familier et se glissa dans l'antre.
     On entendit dans les ténèbres des gémissements plus aigus, des pépiements et des espèces de froissements d'ailes. La jeune femme parlait aux nymphes en une langue inconnue, qui était peut-être celle des oiseaux ou des anges. Au bout d'un instant, elle reparut au côté du moine, qui n'avait pas cessé de prier.
 “Regarde, moine, dit-elle, et écoute.”
    D'innombrables petits cris stridents sortaient de dessous son manteau. Elle en écarta les pans, et le moine Thérapion vit qu'elle portait dans les plis de sa robe des centaines de jeunes hirondelles. Elle ouvrit largement les bras, comme une femme en prière, et donna ainsi la volée aux oiseaux. Puis elle dit, et sa voix était claire comme le son d'une harpe :
    “Allez, mes enfants.”
    Les hirondelles délivrées filèrent dans le ciel du soir, dessinant du bec et de l'aile d'indéchiffrables signes. Le vieillard et la jeune femme les suivirent un instant du regard, puis la voyageuse dit au solitaire :
    “Elles reviendront chaque année, et tu leur donneras asile dans mon église. Adieu, Thérapion.”
   
     Et Marie s'en alla par le sentier qui ne menait nulle part, en femme à qui il importe peu que les chemins finissent, puisqu'elle sait le moyen de marcher dans le ciel. Le moine Thérapion descendit au village, et, le lendemain, quand il remonta célébrer la messe, la grotte des nymphes était tapissée de nids d'hirondelles.  Elles revinrent chaque année ; elles allaient et venaient dans l'église, occupées à nourrir leurs petits ou à consolider leurs maisons d'argile, et souvent le moine Thérapion s'interrompait dans ses prières pour suivre avec attendrissement leurs amours et leurs jeux, car ce qui est interdit aux nymphes est permis aux hirondelles.

Nossa-Senhora-das-Andorinhas

     O monge Terápião tinha sido na sua juventude o discípulo mais fiel do grande Atanásio; era rude, austero, doce somente com as criaturas nas quais não suspeitava a presença de demônios. No Egito, havia ressuscitado e evangelizado múmias; em Bizâncio,  confessara imperadores;  viera a Grécia acreditando em um sonho, com a intenção de exorcizar essa terra ainda submetida aos sortilégios de Pã.  Ele se inflamava de ódio à vista de árvores sagradas onde os camponeses tocados pela febre suspendem trapos destinados a tremer no seu lugar à menor brisa da noite, os falos erguidos nos campos para obrigar o solo a trazer as colheitas e os deuses de argila aninhados nos vãos dos muros e nas conchas das nascentes. Construíra para si com suas próprias mãos uma estreita cabana sobre as margens do rio Cefiso, com o cuidado de usar apenas materiais bentos.  Os camponeses partilhavam com ele seus parcos alimentos, mas, mesmo que essa gente fosse pálida, lívida e desencorajada pelas fomes e pelas guerras que haviam caído sobre eles, Terápião não conseguia levá-los ao caminho do céu. Eles adoravam Jesus, o filho de Maria, vestido de ouro como o sol  levante, mas seu coração obstinado permanecia fiel às divindades que se aninhavam nas árvores ou emergiam do borbulho das águas;  cada noite, eles depositavam sob o plátano consagrado às Ninfas uma tigela de leite da única cabra que lhes restou; os jovens deslizavam ao meio-dia sob os ramos das árvores para espiar essas mulheres de olhos de ônix que se alimentam de tomilho e de mel. Elas pululavam por toda parte, filhas dessa terra dura e seca onde o que alhures se dissipa em bruma toma imediatamente o aspecto e substância de realidade. Encontravam-se também vestígios de seus passos na lama das fontes, e a brancura de seus corpos se confundia de longe com a reverberação dos rochedos. Acontecia que uma Ninfa mutilada sobrevivesse ainda na viga aplainada que sustentava um teto e, à noite, ouvia-se seu lamento ou seu canto. Quase todo dia, parte do gado encantado perdia-se na montanha, e não se encontrava senão meses mais tarde um pequeno monte de ossos. As Malignas tomavam as crianças pela mão e as levavam para dançar à beira dos precipícios; seus leves pés não tocavam a terra, mas o abismo engolia os pesados pequenos corpos. Ou mesmo, um jovem rapaz preso a suas pistas retornava sem fôlego, tiritando de febre, tendo bebido a morte com a água de uma nascente. Após cada desastre, o monge Terápião mostrava o punho aos bosques onde se escondiam as Malditas, porém os aldeões continuavam a mimar essas frescas fadas semi-invisíveis, e eles perdoavam todo seu mal feito como se perdoa ao sol que desmancha o cérebro dos loucos, à lua que suga o leite das mães adormecidas e ao amor que faz tanto sofrer.
 
     O monge as temia como um bando de lobas, e elas o inquietavam como um rebanho de  prostitutas.  Jamais essas caprichosas belas o deixavam em paz; à noite, ele sentia sobre seu rosto seu sopro quente como o de um bicho semidomesticado que vagueia timidamente num quarto. Se ele se aventurava pelo campo munido de um viático para um doente, ouvia ressoar nos seus calcanhares seus trotes caprichosos e seguidos de jovens cabras; se lhe acontecia, a despeito de seus esforços, adormecer à hora da prece, elas vinham inocentemente puxar-lhe a barba. Elas não tentavam seduzi-lo, pois achavam-no feio, cômico e muito velho nas suas espessas roupas de lã, e apesar de sua beleza, elas não lhe despertavam nenhum desejo impuro, porque sua nudez lhe repugnava como a carne pálida da lagarta ou a derme lisa das cobras. Elas o induziam, porém, à tentação, já que ele acabava por duvidar da sabedoria de Deus, que moldou tantas criaturas inúteis e nocivas, como se a criação fosse só um jogo maldoso com o qual ele se deleita. Uma manhã, os aldeões encontraram seu monge ocupado em serrar o plátano das ninfas e afligiram-se duplamente, pois de um lado temiam a vingança das fadas, que partiriam levando com elas as fontes, e de outro lado esse plátano sombreava o lugar onde tinham costume de se reunir para dançar. Mas eles não fizeram nenhuma queixa ao santo homem, com medo de se desentenderem com o Pai que está no céu e que doa a chuva e o sol. Eles se calaram, e os projetos do monge Terápião foram encorajados por esse silencio.


     Ele apenas saía com duas pedras escondidos nas dobras de sua manga e, à noite, sub-repticiamente, quando não percebia a presença de nenhum camponês no campo deserto, punha fogo em uma velha oliveira cujo tronco rachado lhe parecia receptar deusas, ou em um jovem pinheiro escamado cuja resina vertia prantos de ouro. Uma forma nua escapava da folhagem e corria para juntar-se com as suas companheiras, imóveis ao longe como cervas assustadas, e o santo monge regozijava-se de ter destruído um covil do Mal. Por toda parte, plantava cruzes, e os jovens bichos divinos afastavam-se, fugiam da sombra dessa espécie de patíbulo sublime, deixando ao redor do vilarejo santificado, uma zona sempre mais vasta de silêncio e de solidão.   Mas a luta prosseguia-se passo a passo sobre as primeiras encostas da montanha, que se defendia com a ajuda de sarças espinhosas e de quedas de pedras e de onde é mais difícil expulsar os deuses. Enfim, cercadas pela oração e pelo fogo, emagrecidas pela ausência de oferendas, privadas de amor depois que os jovens da aldeia começaram a desviar-se delas, as ninfas procuraram refúgio em um vale deserto, onde alguns pinheiros inteiramente negros plantados no solo argiloso faziam pensar grandes pássaros recolhendo com suas fortes garras a terra vermelha e mexendo no céu as mil pontas finas de suas plumas de águia. As fontes que exsudavam aqui sob pedras informes estavam demasiado frias para atrair as lavadeiras e pastores.  Uma caverna se escavava a metade da encosta de uma colina e lá, não era acessível senão por uma embocadura larga apenas para a passagem de um corpo. De tempos em tempos, lá se refugiavam nas noites em que o trovão fazia temer seus jogos, porque elas o temiam, como todas as outras bestas dos bosques, e era ali também que elas dormiam durante as noites sem lua. Alguns jovens pretendiam infiltrar nessa caverna, pondo em perigo sua salvação e o vigor de sua juventude, e não se esgotavam em relação ao assunto desses doces corpos  semivisíveis nas frescas  trevas e dessas cabeleiras mais adivinhadas que apalpadas. Para o monge Terápião, essa gruta dissimulada no flanco do rochedo era como um câncer cravado em seu próprio seio, e de pé no centro do vale, os braços levantados, imóvel durante horas inteiras, ele rogava ao céu para ajudá-lo a destruir esses perigosos restos da raça dos deuses.

     Pouco depois da Páscoa, o monge reuniu à noitinha as mais fiéis e mais rudes de suas ovelhas; armou-as com picaretas e lanternas; muniu-se de um crucifixo e as guiou através do dédalo de colinas, nas amolecidas trevas cheias de seiva, ansiosas para tirar proveito dessa noite negra. O monge Terápião parou no limiar da caverna, e não permitiu aos seus discípulos de penetrar ali de medo que eles fossem tentados. Na sombra opaca, podia-se ouvir o murmúrio das fontes. Um pequeno ruído palpitava, doce como a brisa nos pinheiros; era a respiração das ninfas dormentes, que sonhavam com a juventude do mundo, do tempo em que o homem  ainda não existia, e em que a terra não paria senão as árvores, as bestas, os deuses. Os aldeões fizeram um grande fogo, mas era necessário renunciar a queimar o rochedo; o monge  lhes ordenou  preparar o gesso e carregar as pedras. Às primeiras luzes da madrugada, eles haviam começado a construção de uma pequena capela junta ao flanco da colina, diante da entrada da gruta maldita. As paredes não estavam secas, o teto ainda não estava posto e a porta faltava, mas o monge Terápião sabia que as ninfas não tentariam escapar através desse lugar santo, que ele já tinha consagrado e abençoado.  Para maior segurança, havia plantado no fundo da capela, no lugar onde se abria a boca do rochedo, um grande Cristo pintado sob uma cruz de quatro braços iguais, e as Ninfas que só compreendem os sorrisos recuavam de horror diante dessa imagem do Supliciado.  Os primeiros raios do sol se alongavam timidamente até o limiar da caverna: era o momento em que as infelizes tinham o costume de sair, para apanhar nas folhas das árvores vizinhas sua primeira refeição de orvalho; as cativas soluçavam, suplicando ao monge para que viesse em socorro e, em sua inocência, se as deixasse fugir, elas prometiam amá-lo.  
 O dia todo, as obras prosseguiam, e até a noite viam-se lágrimas cair da pedra, ouvia-se a tosse e os gritos roucos semelhantes às queixas dos animais feridos.  No dia seguinte, foi posto o teto, que foi ornado com ramos de flores; ajustou-se a porta, e fez-se girar na fechadura uma grossa chave de ferro. Nessa mesma noite, os camponeses cansados desceram à cidade, mas o monge Terápião deitou-se junto à capela que havia levantado, e à noite inteira, todas as queixas de suas prisioneiras o impediam deliciosamente de dormir.  Ele era compassivo, entretanto, pois se apiedava por um verme pisoteado a seus pés, ou por um caule de flor rompida pelo raspar de seu manto, mas era semelhante a um homem que se regozija de ter murado entre dois tijolos um ninho de jovens víboras.

     No dia seguinte, os camponeses trouxeram água de cal, alvejaram a capela por dentro e por fora, que ficou com um aspecto de uma branca pomba encolhida no seio do rochedo. Dois aldeões menos medrosos que os outros se aventuraram dentro da gruta para branquear suas paredes úmidas e porosas  a fim de que a água das fontes e o mel das abelhas cessem de escorrer no interior do belo antro e de sustentar a vida delinqüescente das mulheres fadas. As ninfas enfraquecidas não tinham mais a força necessária para manifestar-se aos humanos; quase nada, aqui e ali, se adivinhavam vagamente na penumbra uma jovem boca contraída, duas tênues mãos suplicantes ou a pálida rosa de um seio. Ou de tempos em tempos, avançando sobre as asperezas da rocha seus grossos dedos esbranquiçados pela cal, os aldeões sentiam fugir uma cabeleira suave e trêmula como esses capilares que impelem nos lugares úmidos e abandonados. O corpo desfeito das ninfas se decompunha em névoa, ou preparava-se para desfazer-se em poeira como as asas de uma borboleta morta; elas gemiam sempre, mas era necessário  prestar atenção para ouvir suas fracas queixas; isso não era mais do que almas de ninfas que choravam.

     Durante toda a noite seguinte, o monge Terápião continuou a montar sua guarda de oração no limiar da capela, como um anacoreta no deserto.  Ele se regozijava em pensar que antes da lua nova, as lamentações teriam cessado, e que as ninfas mortas de fome não seriam mais que uma impura lembrança. Ele orava para apressar esse instante em que a morte libertasse suas prisioneiras, pois começava, bem contra sua vontade a lamentá-las, e se culpava dessa vergonhosa fraqueza. Ninguém subia mais até ele; a aldeia lhe parecia tão afastada como se estivesse situado na outra dobra do mundo; não percebia no lado oposto do vale senão a terra vermelha, os pinheiros, uma vereda semi-escondido sob as agulhas de ouro. Ele não ouvia senão esses suspiros que iam diminuindo sempre, e o som de mais e mais enrouquecido por suas próprias preces.

     À noite desse dia, ele viu na trilha uma mulher que vinha em sua direção. Ela caminhava com a cabeça baixa, um pouco curvada; seu manto e seu cachecol eram negros, mas um clarão misterioso fazia luz através desse tecido obscuro, como se ela tivesse jogado a noite sobre o dia. Ainda que fosse tão jovem, ela tinha a gravidade, a lentidão, a dignidade de uma senhora muito velha e sua suavidade era semelhante àquela do bago maduro e da flor embalsamada. Passando diante da capela, olhou atentamente o monge, que foi perturbado em suas orações.
"Esse caminho não leva a lugar nenhum, mulher, disse-lhe ele. De onde você vem?  
- Do leste, como a manhã, disse a jovem mulher. E que fazes tu aqui, velho monge?
- Eu murei nesta gruta as ninfas que ainda infestavam a região, disse o monge e diante da abertura do antro, construía uma capela, para que elas não ousassem atravessar para fugir, pois elas estão nuas e, a sua maneira, temem a Deus. Estou esperando que elas morram de fome e frio em sua caverna, e quando isso for acabado, a paz de Deus reinará nos campos.
   - Quem lhe disse que a paz de Deus não se estende às ninfas como às corças e aos bandos de cabras? respondeu a jovem mulher. Não sabias que no tempo da criação Deus se esqueceu de dar asas a alguns anjos que caíram sobre a terra e se estabeleceram dentro dos bosques, onde formaram a raça das ninfas e dos Pãs ? E outros se instalaram sobre uma montanha, onde se tornaram deuses olímpicos? Não exalte como os pagãos, a criatura à custa do criador, mas não fique mais escandalizado por Sua obra. E agradece a Deus no teu coração, por ter criado Diana e Apolo.
- Meu espírito não se eleva tão alto, disse humildemente o velho monge. As ninfas perturbam minhas ovelhas e colocam em perigo sua salvação, pela qual sou responsável frente a Deus e é por isso que eu as perseguirei se for preciso, até o inferno.
- E este zelo te será contado, honesto monge, disse sorrindo a jovem mulher. Mas não percebes um meio de conciliar a vida das ninfas e a salvação das tuas ovelhas?"
     Sua voz era suave como uma música de flautas. O monge inquieto baixou a cabeça. A jovem mulher pôs-lhe a mão sobre o ombro e lhe disse gravemente:
"Monge, deixa-me entrar nessa gruta. Amo as grutas, e tenho piedade desses que procuram refúgio ali. Foi numa gruta que trouxe ao mundo meu filho, e foi numa gruta que o confiei sem temer a morte, a fim de que ele padecesse o segundo nascimento da Ressurreição."
     O anacoreta afastou-se para deixá-la passar. Sem hesitar, ela dirigiu-se para a entrada da caverna, dissimulada atrás do altar. A grande cruz ali barrava o limiar; ela a afastou docemente, como a um objeto familiar e deslizou no antro.
     Ouviram-se nas trevas gemidos mais agudos, piados e espécies de batimento de asas. A jovem mulher falava com as ninfas numa língua desconhecida, que fosse talvez aquela dos pássaros ou dos anjos. Depois de um momento, reapareceu ao lado do monge, que não havia cessado de rezar.
"Olha, monge, disse ela, e escuta."
     Inumeráveis pequenos gritos estridentes saíam por sob seu manto. Ela afastou os panos e o monge Terápião viu que ela levava nas pregas de sua roupa centenas de pequenas andorinhas. Ela abriu amplamente os braços, como uma mulher em prece, e permitiu assim o vôo aos pássaros. Depois disse, e sua voz era clara como o som de uma harpa:
"Ide meus filhos."           
As andorinhas libertadas partiram no céu da noite, desenhando com o bico e a asa indecifráveis sinais. O velho e a jovem mulher os seguiram um instante pelo olhar, em seguida a viajante disse ao solitário: 
"Elas voltarão a cada ano, e tu lhes darás asilo na minha igreja. Adeus, Terápião."

     E Maria se foi pelo caminho que não levava para lugar algum, como mulher a quem importa pouco que os caminhos acabem, porque ela sabe o modo de caminhar no céu. O monge Terápião desceu ao vilarejo, e, no dia seguinte, quando retornou para celebrar a Missa, a gruta das ninfas estava atapetada de ninhos de andorinhas.> Elas voltaram a cada ano; elas iam e vinham à igreja, ocupadas em alimentar seus filhotes ou a solidificar suas casas de argila, e freqüentemente o monge Terápião interrompia suas orações para seguir com ternura seus amores e jogos, pois o que é proibido às ninfas, é permitido às andorinhas.



 


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