Fiche sur le texte de Thevet

coquillage


AUTEUR
André THEVET (né vers 1516, mort en 1592). Moine cordelier, cartographe. A voyagé au Moyen-Orient et publié, en 1554, Cosmographie du Levant. Accompagne l'expédition de Villegagnon au Brésil en 1555. Reste au Brésil quelques dix semaines, puis revient en longeant les côtes américaines jusqu'au Canada. Devient cosmographe du Roi et publie en 1575 Cosmographie universelle, dont le livre XXI est consacré encore au Brésil. (Une intéressante réflexion sur le personnage sur le site Fabula). En 1584, il publiera Vrais portraits et vies des hommes illustres où il mettra, à côté des Grecs et des Romains,  un chef Tupinamba : Quoniambec.
Contexte : première moitié du XVIe siècle. Les menaces religieuses (qui conduiront aux guerres de religion) en France sont encore peu sensibles, même si elles existent. On a pu dire de cette période qu'elle était celle de l'humanisme triomphant.
OEUVRE  /  TITRE
Les Singularités de la France antarctique autrement nommée Amérique & de plusieurs terres & îles découvertes de notre temps. Le livre est publié en 1557, c'est-à-dire un an après le retour de Thevet en France. Il est illustré de gravures.
SITUATION DU PASSAGE
Il s'agit du chapitre XXVIII. C'est le premier chapitre où il s'intéresse directement aux Indiens. (les chapitres précédents ont relaté la navigation, l'arrivée au Brésil, puis dans la baie de Guanara. Les Indiens ont été évoqués à travers leur accueil et les banquets mais l'essentiel a été relatif à la faune et à la flore brésiliennes.) - il est illustré d'une gravure représentant une patate douce, justifiée par une phrase dans le corps du texte : "Et pource qu'elle est inconnue [...], il m'a semblé bon vous la représenter en son naturel."
SUJET
le passage s'intéresse, comme son titre l'indique, à la religion des Amériques (= les Indiens d'Amérique)
INTERETS du passage
Il s'agit d'un texte argumentatif (dont la thèse est implicite), d'un texte informatif (sur une divinité indienne, sur un mythe, sur une plante, sur des comportements)
Particularité : Thevet est  le seul voyageur de ce temps-là à avoir rapporté les croyances, et surtout les mythes des Tupinamba. Les anthropologues du XXe siècle l'ont relu avec attention.
VOCABULAIRE
ATTENTION au mot "religion" qui a deux sens dans ce passage : 1. religion chrétienne (la seule vraie du point de vue de Thévet et de ses lecteurs en 1557) ; 2. religion = attitude religieuse qui reconnaît des êtres supérieurs à l'homme (c'est le cas des Indiens)
Le vocabulaire du XVIe siècle a été expliqué en classe et doit se trouver sur la photocopie du texte.
REFERENCES / INTERTEXTUALITE
Cicéron (dans le premier paragraphe) : adaptation d'un adage (une sentence, une maxime) que reprendra aussi Léry "Et pour ce n'y a nation tant barbare que, par l'instinct naturel, n'ai quelque religion et quelque cogitation d'un Dieu."
STRUCTURE LOGIQUE
Les cinq paragraphes qui le composent démontrent l'existence d'une religion propre aux Indiens. La première phrase concède l'absence de religion (au sens de religion chrétienne). Le premier et 2e paragraphes procèdent par déduction : tous les hommes ont le sens du divin, leur ignorance leur fait voir des dieux dans la nature. Le 3e, introduit par "Or", annonce la démontration : il y a une divinité suprème, elle transmet des enseignements. Suit la preuve du mythe. L'anecdote avec les Portugais et les Espagnols conduit à la distinction du cannibalisme "bon"[traitement des ennemis] et du cannibalisme rejeté [habitude culinaire, renvoyé à d'autres, ailleurs] . Le dernier paragraphe revient confirmer l'existence d'un dieu doué d'ubiquité. Et se termine par la source de ce savoir : le témoignage oculaire de celui qui écrit et celui de l'interprète connaissant la langue par ses dix ans de séjour.
EFFET(S) produits
le texte est convaincant : il surprend, il étonne (se rappeler le titre Les Singularités...), il rapproche les Indiens des Européens, au sens où il leur accorde la possibilité d'être catéchisé : "Si on leur tient propos de Dieu, comme quelquefois j'ai fait, ils écouteront attentivement avec une admiration ; et demanderont..."
CARACTERISTIQUES PARTICULIERES
1. Le syllogisme sur lequel repose l'argumentation : 1. tous les hommes ont le sens du divin (Cicéron - référence antique, autorité : un Ancien) ; 2. "Or" les Indiens ont un grand Seigneur (Toupan) ; conclusion implicite (laissée au compte du lecteur) : donc les Indiens sont des hommes.
C'est le 2 (qui s'appelle prémisse mineure dans un syllogisme) que va prouver la suite avec Toupan (et son ubiquité finale, 5e paragraphe) et le mythe de la patate douce.
De plus les Indiens apprennent, peuvent changer et  chasser les faux dieux (4e paragraphe)
2. la précision des informations (renforcée par l'utilisation des mots locaux -Toupan, Hetich, charaïbe, mahire -, par les comparaisons)
3. le pronom "je" n'apparaît que deux fois : l'exposition se veut objective, quoique fondée sur un témoignage (ce que la gravure souligne)
4. un champ lexical de la nature / un champ lexical du religieux
5. des comparaisons qui permettent de ramener l'inconnu au connu.

CONCLUSION
Ce texte est la première apparition des Indiens brésiliens dans la littérature française ; c'est leur première véritable prise en compte dans le récit de Thevet et il pose l'affirmation du cosmographe : je vais parler d'hommes, différents, certes, mais hommes. C'est la thèse que défend Thevet, et il ne reviendra jamais dessus après cette démonstration.
Le livre de Thevet aura un grand retentissement et les poètes de la Pléiade (Ronsard, Du Bellay, Jodelle), en particulier, le salueront et  chanteront la France antarctique à leur tour.
QUESTIONS POSSIBLES  

Première