28 janvier 1873 : Colette

coquillage


D'une enfance villageoise aux mondanités parisiennes

L'écrivain, sous ce nom connue, est née Sidonie Gabrielle Colette dans un petit village de l'Yonne, Saint-Sauveur-en-Puisaye. Elle est le quatrième et dernier enfant de sa mère, Sidonie Landoy, Sido pour son mari et plus tard dans l'oeuvre de sa fille. La jeune femme, veuve, avec deux enfants, une fille, Juliette [1860-1908], "ma soeur aux longs cheveux" et un fils, Achille [1863-1913], qui deviendra médecin, a épousé, en 1865, après son veuvage, le percepteur du village, Jules-Joseph Colette, capitaine en retraite, saint-cyrien amputé d'une jambe lors de la bataille de Melegnano (campagne d'Italie, 1859). En 1866, un premier enfant naît de cette union, Léopold.
Sidonie Gabrielle est donc une toute petite dernière. Si l'on en croit ses souvenirs, turbulente et heureuse fut cette enfance villageoise, et l'écrivain, bien parisienne (jamais, en effet, ne lui viendra l'idée de retourner vivre à la campagne), y puisera néanmoins toute sa vie son énergie, s'y taillera un territoire bien personnel entre jardins et animaux familiers : "J'appartiens à un pays que j'ai quitté." écrira-t-elle dans "Jour gris" (Les Vrilles de la vigne, 1908), un pays qui relève davantage du fantasme que de la mémoire (ce que dit d'ailleurs la même nouvelle) mais dont elle gardera la trace vocale dans son accent bourguignon où roulent les "r" comme cailloux dans un ruisseau un jour de forte pluie.
L'enfant devient jeune fille, passe son certificat d'études en 1885, puis son brevet élémentaire. C'est l'année où Juliette, se marie. L'époux et la belle-famille demandent le partage de l'héritage paternel, ce qui va provoquer de nombreux problèmes financiers. L'héritage, de fait et, contrairement au discours de Sido relayé par Colette, avait surtout été constitué de dettes que le conseil de tutelle, nommé après la mort du premier époux, n'avait pas réussi à rééquilibrer (Marguerite Boivin, La Maison de Sido, 1992) et la famille Colette va vendre peu à peu tous ses biens au point de devoir s'installer en 1891, près d'Achille, à Châtillon-sur-Loing (qui devient Châtillon-Coligny peu de temps après), où le jeune médecin vient d'ouvrir son cabinet.
C'est dans ce bourg que Sidonie Gabrielle, elle a 18 ans, de longues tresses blondes, va rencontrer Henry Gauthier-Villars (né en 1859). Ce dernier est le fils de l'éditeur scientifique, Jean-Albert Gauthiers Villars, ami du capitaine Colette. Henry, journaliste et écrivain, ayant acquis une certaine réputation sous le nom de Willy, se rend régulièrement à Châtillon-Coligny où se trouve en nourrice son fils naturel, né en 1889.
La jeune provinciale, sans dot et sans avenir, tout comme dans un roman de Balzac, est fascinée par le brio du Parisien, malgré son âge, son embompoint, et son début de calvitie. Ils se fiancent en 1891 et le mariage a lieu le 15 mai 1893.
Sidonie Gabrielle suit son époux à Paris et découvre sa nouvelle vie mondaine. Les salons, les brillants esprits du temps, écrivains, musiciens, peintres (nombreux sont ceux qui feront son portrait) acteurs et actrices, parmi lesquelles Marguerite Moreno dont l'amitié ne lui fera jamais défaut. Elle est jolie, elle a de l'esprit et de la répartie, elle est vite adoptée. Mais elle découvre aussi une certaine vie de bohème où la stabilité est rien moins qu'assurée ni sur le plan financier (les rentrées d'argent sont aléatoires) ni sur le plan sentimental (en se mariant, Willy n'a pas renoncé à sa carrière de coureur de jupons).

Entrée en écriture

Willy est un "entrepreneur littéraire" qui dirige un atelier de jeunes écrivains fournissant de la copie aux journaux (chroniques diverses) et à la librairie, avec un certain goût pour ce qui "se vend", autrement dit le roman léger, les oeuvres un rien polissonnes.


Colette, 1900

Colette, vers 1900 (photo Reutlinger)

dans sa préface aux Sept dialogues de bêtes (1905), Francis Jammes la décrivait ainsi : "Voyez sa joue en pomme, ses yeux en myosotis, sa lèvre en pétale de coquelicot, sa grâce de chévrefeuille."
Il apportait ainsi sa touche à l'une des images que Colette construisait d'elle-même.





couverture

Première de couverture de la première édition, dessin d'Emilio della Sudda, édition Paul Ollendorf, 1900

Dans Mes apprentissages (1936), Colette racontera comment, à court d'argent, un jour, Willy lui demande de rédiger ses souvenirs d'écolière dans l'idée d'en "tirer quelque chose". Cela se passe en 1894, mais les feuillets vont dormir dans un tiroir. Willy n'en tire parti que quelques années après. Pourtant, il semble qu'avoir pris une plume ait été une sorte de déclencheur, comme semble le conter la fable du rossignol ouvrant Les Vrilles de la vigne (1908) et donnant son titre au recueil: le rossignol chante pour se garder éveillé et échapper à l'étouffement des vrilles de la vigne : "Je voudrais dire, dire, dire tout ce que je sais, tout ce que je pense, tout ce que je devine, tout ce qui m'enchante et me blesse et m'étonne."  Colette continue d'écrire en commençant par rédiger des chroniques journalistiques, avant de trouver sa voix romanesque.
Lorsque paraît enfin Claudine à l'école (1900) dont le succès est immédiat, Willy offre à sa femme une propriété, près de Besançon, que l'écrivain fréquente avec bonheur. Elle y écrit un certain nombre de ses livres, dont Quatre dialogues de bêtes (1903) signé Colette Willy. Ces dialogues se poursuivront, et Colette les augmente régulièrement, à chaque nouvelle édition. Les trois autres Claudine (Claudine à Paris, 1901 ; Claudine en ménage, 1902 ; Claudine s'en va, 1903) paraissent sous la seule signature de Willy. Cela aurait pu continuer longtemps, mais Sidonie Gabrielle est lasse d'être trompée sur tous les plans, sentimentaux et financiers. Le dernier des écrits que s'approprie le mari peu délicat sera Minne et sa suite, Les Egarements de Minne (1904 et 1905).
1905 est aussi l'année où Colette donne une nouvelle édition des Dialogues de bêtes, complétée de trois nouveaux dialogues et préfacée par Francis Jammes. C'est aussi l'année où meurt son père.
En 1906, Colette se sépare d'un mari qui avait bien su rentabiliser le talent de sa femme en y rajoutant ce que nous appelons des produits dérivés, le nom de Claudine devenu marque (parfums, savonnettes), les photographies de Colette en blouse noire et col rond blanc, le fameux col "claudine" qui a perduré jusqu'au XXIe siècle, l'adaptation des romans pour le théâtre, l'adéquation de l'image de "l'écrivain" avec celle du personnage représenté au théâtre par Polaire en demandant à Colette de couper ses cheveux ; bref quatre années profitables. Le divorce est prononcé en 1910.
Dès ses premiers textes, transparaît le talent tout particulier de l'écrivain qui va adopter, progressivement, son nom de famille à la fois comme nom et prénom. Une attention très grande aux choses et aux êtres, une sensualité extrêmement développée. Les personnages de l'auteur entretiennent avec le monde des rapports qui sont d'abord physiques. Ils reniflent, goûtent, touchent, écoutent et, naturellement, regardent, le visible et le caché. C'est un univers dans lequel il n'y a guère de différence entre les humains et les animaux. Ce monde si sensuel est, toutefois, dès le début donné à voir par une conscience aussi acerbe qu'émerveillée. Aucune mièvrerie dans cet univers littéraire, mais une robuste vitalité qui ne va pas sans violence ni cruauté. Souffrance et douleur ne sont pas absentes, mais elles sont rédimées par la quête et la conquête du plaisir, et d'abord celui de vivre, nonobstant les difficultés, réelles, qu'elle a dû affronter. A partir de La Maison de Claudine (le titre a été voulu par l'éditeur, Ferenczi et fils), publié en 1922, le personnage de sa mère, Sido (titre d'une oeuvre publiée en 1929), devient l'initiatrice de ce rapport au monde, pourtant déjà en place dès Claudine à l'école, dont l'héroïne n'avait qu'un père, charmant mais d'une distraction frisant l'absence.






Colette aux temps du music hall

Colette à l'époque de la représentation de la pantomime, Rêve d'Egypte (1907), photo Reutlinger. Le spectacle ne dure pas, Missy, qui y joue aussi, déclenchant l'ire de sa famille et des bonapartistes, outrés de cette exhibition de la nièce de Napoléon III.

Les années de music-hall

En 1905, Colette a rencontré Missy (Mathilde de Morny). Leur liaison va durer six ans, pendant lesquels l'écrivain, devenue artiste de music hall, va danser et jouer la pantomime. La jeune femme et les spectacles auxquels elle participe font scandale, mais en même temps attirent le public, lequel est toujours friand de scandale. Les photographies de cette époque sont fort nombreuses, certaines destinées à devenir cartes postales. Elles montrent une fort jolie femme, au corps largement dévoilé (pour l'époque) ou voilé de transparences encore plus indiscrètes, au fin visage triangulaire. La jeune femme s'astreint à la discipline des artistes dont le corps est l'instrument, mais cela ne l'empêche pas d'écrire. Les Vrilles de la vigne paraît en 1908.
L'Ingénue libertine, réécriture de Minne et des Egarements de Minne que Willy s'était appropriés, paraît en 1909 et La Vagabonde  en 1910 qui signe, d'une certaine manière, la fin de cette période. C'est aussi au cours de ces cinq années agitées, entre tournées et écriture, qu'elle commence à faire des conférences, les premières d'une longue série.
Missy lui a offert (1911) une maison en Bretagne, à Rozven, que Colette conserve après leur séparation et où elle passera de nombreux étés.

Journaliste et écrivain

C'est à la fin de 1910 que commence sa collaboration au Matin (un des grands quotidiens d'alors où Albert Londres fait ses débuts). Nombre de ses récits brefs rassemblés ensuite en volume, comme ceux de La Maison de Claudine y ont d'abord été publiés. Cette entrée au Matin va entraîner bien des changements. Elle y rencontre Henry de Jouvenel (1876-1935), l'un des deux rédacteurs en chef, qu'elle épouse à la fin de l'année 1912, après avoir rompu avec Missy et avec le music-hall. 1912 est aussi l'année où Sido, la mère, s'éteint à Châtillon-Coligny en septembre. Son fils, Achille, qui ne semble pas avoir pardonné à sa soeur de n'être pas venue à l'enterrement de leur mère, ne lui survit qu'une année.
Elle va avoir un enfant, une fille, (née en 1913) qu'elle prénomme Colette, et qui répond au surnom de "Bel Gazou". Elle accompagne Jouvenel dans ses déplacements et ajoute à son cercle d'amis artistes, un nouveau cercle plus impliqué dans la politique, quoiqu'elle-même ait toujours affirmé son désintérêt à cet égard.
Puis la guerre éclate, Henry de Jouvenel est mobilisé. Colette s'organise avec ses amies proches, dont la fidèle Marguerite Moreno, et, volontaire, assure les gardes de nuit au lycée Janson de Sailly transformé en hôpital. En décembre 1914, elle rejoint Henry à Verdun (visite clandestine, évidemment). Pendant ces quatre années, elle n'écrit que des articles et des chroniques, en particulier des chroniques de guerre, publiées en 1917 sous le titre Les Heures longues.
Après la guerre, Jouvenel s'implique de plus en plus dans la politique (il est élu sénateur en 1921), et Colette tout en l'accompagnant, au moins un temps, continue son métier de journaliste, mais n'oublie pas son oeuvre, pour autant. En 1919, elle devient directrice littéraire du Matin et prend aussi en charge les critiques dramatiques. Elle publie Chéri en 1920 que certains, dont Gide, jugent son plus beau roman, au moins jusque là.
Depuis les Quatre dialogues de bêtes (1904), ses oeuvres sont signées Colette Willy, mais à partir de Prrou, Poucette et quelques autres (1913), ce nom d'auteur se dédouble en "Colette (Colette Willy)", ce n'est qu'à partir de 1923, avec la publication du Blé en herbe, avec La Maison de Claudine (recueil de brèves nouvelles, à la limite du poème en prose) que la parenthèse disparaît et que dorénavant l'auteur s'en tient au seul Colette.
La politique semble avoir été un facteur délétère dans le couple qu'elle forme avec Jouvenel et chacun suit sa route. C'est dans ces années-là qu'elle a une aventure avec le fils de son mari, Bertrand (18 ans), un peu comme si Chéri avait été prophétique. En 1923, Jouvenel abandonne le domicile conjugal, Bertrand vient vivre un temps avec elle, mais la politique l'appelle tout autant qu'elle a appelé son père, et ils se séparent aussi. Colette quitte Le Matin, en 1924, mais collabore à nombre d'autres journaux, et entre au Quotidien. Le divorce est prononcé en 1925. La rupture avec Bernard a lieu la même année.



L'écrivain reconnu

Colette a maintenant 52 ans et une oeuvre fort conséquente, admirée à la fois du public et de ses pairs. En 1924, elle a rencontré Maurice Goudeket [1889-1977] qui n'a rien à voir ni avec le monde politique, ni avec le monde artistique. Il devient son compagnon en 1925. Ils se marieront en 1935.
1925, c'est l'année où est créé à Monte Carlo, avec succès, L'Enfant et les sortilèges (une "fantaisie lyrique") dont Colette avait écrit le livret dès 1915 et que Ravel a ensuite mis en musique. A l'Opéra comique de Paris, en 1926, l'accueil sera nettement plus réservé. L'oeuvre a cependant rencontré son public, et continue à être régulièrement présentée, dans le monde entier.
Avec Maurice, ses habitudes changent. Elle abandonne la Bretagne et Rozven pour la côte d'Azur et Saint-Tropez où elle acquiert, en 1926, une propriété baptisée "la treille muscate". Mais en dehors des mois d'été, Colette continue d'être à la fois écrivain, journaliste, conférencière. Elle a publié La Fin de Chéri, en 1926. Les oeuvres se succèdent, mais aussi les pièces que l'on en a tiré et que l'on en tire. Parmi ces oeuvres, à retenir La Naissance du jour (1928), Sido ou les points cardinaux (1929), première partie du recueil de l'année suivante, Sido, auquel elle a ajouté deux parties ("Le capitaine" et "Les sauvages") transformant le recueil à la fois en éloge de la mère et de l'enfance.
Le cinéma s'st aussi emparé de l'oeuvre, dès 1918 avec une adaptation italienne de La Vagabonde (Eugenio Perego).
Bien que ne manquant pas d'occupations, entre écriture et voyages, en 1932, Colette se lance dans les affaires et ouvre une boutique de produits de beauté. L'aventure sera de peu de durée, mais elle signe le souci qu'elle eut toute sa vie du corps et des corps.
En 1933, elle entre au Journal dont elle va assurer, pendant cinq ans, la critique dramatique. La première est publiée le 8 octobre 1933. Ces chroniques sont, ensuite, reprises en volumes, sous le titre La Jumelle noire.
C'est en 1938 que le couple emménage dans l'appartement du Palais royal qui sera le dernier logis de Colette. L'année suivante se manifeste l'arthrose qui va rendre ses dernières années douloureuses puisque la paralysie gagne progressivement l'écrivain qui finit par être rivée à son "radeau", comme elle dira, le lit qu'elle ne peut plus guère quitter qu'en fauteuil roulant.
Les années de guerre ajouteront à ce souci celui de Maurice Goudeket, arrêté par les Allemands en décembre 1941 (son père était juif). Il faudra toute l'énergie de Colette, le réseau de toutes ses amitiés pour parvenir à le faire libérer, pour ensuite lui faire mener une vie semi-clandestine afin d'éviter le risque de récidive. Colette travaille beaucoup et souffre.
En 1945, elle est élue à l'Académie Goncourt dont elle devient présidente quatre ans après (1949). Si elle lit beaucoup (comme elle a toujours fait), elle écrit peu de nouveaux textes et Maurice Goudeket supervise l'édition des Oeuvres complètes qu'il achève en 1950. Le Fanal bleu (souvenirs) est le dernier de ses textes, écrit et publié en 1949.
L'écrivain, toujours assidue à l'Académie Goncourt, s'affaiblit et s'éteint doucement le 3 août 1954. Elle disait "La mort ne m'intéresse pas, — la mienne non plus." (La Naissance du jour, GF, 1984, p. 70) Elle avait raison, on ne peut penser à elle que comme à une éternelle vivante.
On lui fit des funérailles nationales au Palais royal. Le 10 août dans La Montagne, Alexandre Vialatte, rapporte l'événement :




Magazine littéraire, juin 1989

Couverture du Magazine littéraire, juin 1989 (à l'occasion de la publication des oeuvres  complètes, en trois volumes, dans la collection Bouquins), dessin de Raymond Moretti (1931-2005).





En vingt jours nous perdons Colette et l'Indochine*. Si on avait dit à Colette en 1890 que sa mort, pendant quelques jours, tiendrait plus de place dans la presse que la perte de l'Indochine, elle aurait ouvert des yeux ronds. Tels sont pourtant les prestiges du style et la lassitude d'une nation. Il faut croire que le style est une bien grande magie.
Le sien était insurpassable. il lui a permis de faire un sort glorieux à tout ce qui se voit, se sent, se lèche, se hume, se renifle ou se tripote. Elle a les doigts de l'aveugle et le flair du setter. Elle entre de plain-pied dans le mystère animal ; il n'y a eu, parmi tant qu'un portrait de Landru : celui qu'elle a fait aux assises ; et c'est un portrait d'oiseau.
C'est d'elle que datent les dames mûres, les boules de verre (qui "mouillent la bouche"), le paon, le serpent, les traces du chat, la première ride, l'odeur du chocolat et le parfum de la chair fraîche. C'est d'elle encore que datent sa mère et toutes les fleurs. C'est d'elle ou de Chardin que datent les pêches. Elle a peint le chat, le python et la femme de façon à rester pour toujours notre plus grand animalier.
Dix mille personnes ont défilé devant son catafalque ; il y avait des rois, des chefs d'Etat. Des centaines de gens se sont rués sur la tombe pour jeter les fleurs des couronnes sur le couvercle du cercueil. D'un mot : une fureur d'hommages a vu rivaliser la foule, les amis, les officiels. Un journaliste écrit : "La Fontaine, immortel lui aussi..." Une femme apporte toutes les fleurs de son jardin. Un reporter associe au deuil un banc de pierre sur lequel Laurent Tailhade a nettoyé son oeil de verre ! La radio, apprenant que l'Eglise a refusé les obsèques religieuses, qui auraient demandé une mesure d'exception, trouve que Dieu manque de savoir-vivre. Bref, on n'avait rien vu de pareil depuis Hugo.

* Les accords de Genève signés en juillet 1954 stipulaient le retrait des Français du nord Viet Nam (Tonkin)



glycine
photo Josiane Arrieula



De la petite campagnarde à la grande dame des lettres françaises, de celle qui débarque à Paris au bras d'un mari, Pygmalion, involontaire sans doute, à celle qui exhibe son corps dévêtu sur la scène, qui affiche sa liaison homosexuelle avant de devenir baronne en épousant Henry de Jouvenel, jusqu'à la vieille dame impotente, grand officier de la légion d'Honneur (en 1953 ; sa première nomination date de 1921), membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique où elle a succédé à Anna de Noailles, que tout un chacun rêve d'aller rencontrer dans son appartement du Palais royal, il y a toute une vie.
Il y a aussi toute une oeuvre, construite avec énergie mais aussi patience. Colette a toujours insisté sur le travail, souvent ingrat, qu'était pour elle l'écriture. Et de fait, tout y est millimétré. L'épanchement, l'authenticité, la simplicité sont le résultat du calcul et de la précision. Aussi n'est-ce point du biographique qu'il faut y chercher, point le passé, mais le présent et le futur. Claudine à l'école, d'une certaine manière en posait les fondations, avec son personnage d'adolescente, rebelle, curieuse, cruelle, caustique, attentive à la fois aux choses et aux êtres, aux vérités cachées sous les apparences, ivre de la beauté du monde, impitoyable pour sa laideur, d'un narcissisme aussi innocent que ravageur. Toutes les héroïnes de l'écrivain en porteront, peu ou prou, les marques.
La littérature aura été pour Colette le moyen d'inventer et de pérenniser les temps et les mondes qu'elle a traversés, dans lesquels elle a vécu. Son maître mot aura toujours été liberté. Peut-être est-ce pour comprendre d'où lui venait cet élan, ce refus des contraintes qu'après la mort de sa mère, elle se lance dans une sorte de recherche du temps perdu pour retrouver dans le monde de l'enfance,  la construction de cette curiosité, de ce goût du plaisir,  de cette aspiration à la liberté.  Cela donne de fort beaux livres parce que l'enfant y est toujours une petite bête égoïste, cruelle et têtue. Malgré les apparences, et la manie qu'ont certains de vouloir faire de Colette un écrivain pour collégien, les récits de Colette sont impitoyables.




A consulter
: la bibliographie des oeuvres de Colette sur le site, qui lui dédié, amisdecolette.fr
Quelques extraits (écrits et audio) des entretiens avec André Parinaud (1949)
le blog de Gallica, sur les activités de journaliste de Colette, et sur ses activités de chroniqueur judiciaire.
A écouter : L'enfant et les sortilèges, Opéra de Lyon, 1999
Curiosité
: L'Enfant et les sortilèges, montage Teatro Municipal de São Paulo, octobre 2011 (le livret a été traduit en portugais).



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