13 avril 1940 : Jean
Marie Gustave Le Clézio
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Jean Marie G. Le
Clézio
photographié en décembre 2008, au moment de la
remise du
prix Nobel de Littérature.
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Il naît à Nice, par accident, dit-il [ "j'aurais pu naître n'importe où. Je suis né ici par hasard. Mais ce genre de hasard devient vite une destinée." L'Extase matérielle, 1967], dans le sud de la France au bord de la Méditerranée, parce que sa famille (aussi bien paternelle que maternelle) est originaire de l'ïle Maurice. Un lointain ancêtre paternel (au moment de la Révolution française) d'origine bretonne, s'installe dans l'île Maurice au lieu d'aller aux Indes, comme il le prévoyait. L'Ile devient anglaise en 1810. Elle obtient son indépendance en 1968. L'écrivain confiera à Jean-Louis Ezine, en 1988, que c'est ce caractère de "passant" qu'il lui semble avoir hérité de sa famille. En 1946-47, la famille (la mère et ses deux fils : Jean-Marie et Yves-Marie né en 1938) partent rejoindre le père qui a passé la Seconde guerre mondiale au Nigéria où il est médecin [En 1998, pour le Magazine Littéraire, l'écrivain situe ce voyage en 1948]. C'est de ce temps-là que Le Clézio date sa découverte de la littérature, à la fois sur le plan de l'écriture et sur celui de la lecture. Il va découvrir, par la même occasion, sa deuxième langue : l'anglais. Il fait des études bilingues: une partie en France, une autre en Angleterre (1958-59). Son travail de fin d'études porte sur la "solitude dans l'oeuvre de Michaux" (1963). En 1983, il défend une thèse en histoire à l'université de Montpellier sur l'antiquité mexicaine, la mythologie des Mayas. Jeune homme, Le Clézio fait son service militaire dans la coopération, d'abord en Thaïlande (dont il est expulsé pour avoir dénoncé la prostitution enfantine) puis au Mexique (1966-67). Entre 1970 et 1974, il va vivre avec les Emberas et les Waunanas, peuples indiens de l'Amérique centrale. Une expérience qu'il estime lui-même essentielle pour la suite et de sa vie et de son oeuvre. Peu lié au monde littéraire parisien, Le Clézio est un écrivain nomade comme il est un homme nomade. Pendant longtemps, celui qui, à 23 ans, pour son premier roman, Le Procès-verbal, avait obtenu l'un des prix prestigieux de la rentrée littéraire, le prix Renaudot, a même été extrêmement absent de l'actualité littéraire : rarement dans les journaux, pas davantage à la radio voire à la télévision, un écrivain secret. Ces dernières années, si on l'a davantage vu et entendu, son prix Nobel (2008) a surpris plus d'un critique, quoiqu'ils en disent. Sans doute, est-ce au nomadisme de Le Clézio que l'on doit cette sorte de transparence de l'écrivain. Sans doute aussi parce qu'il est chercheur et professeur, et a travaillé dans diverses universités dans le monde, des Etats-Unis (Albuquerque, au Nouveau Mexique) à la Corée (Séoul). Il vit actuellement à Nice. Le Clézio
s'est marié deux fois et a trois filles, Patricia née en
1961 de son premier mariage ; Alice-Marie-Yvonne née en 1977 et
Anna, née en 1982, du second.
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Les premiers mots des premiers romans que j'ai écrits étaient en lettres capitales : QUAND PARTEZ-VOUS, MONSIEUR AWLB ? C'était en 1946 ou au début 1947. [...] Pour moi, l'acte d'écrire est resté lié à ce premier voyage. Une absence peut-être, un éloignement, le mouvement de dérive le long d'une terre invisible, effleurant des pays sauvages, des dangers imaginaires. [...] Un matin, je me suis réveillé, j'avais rêvé que j'avais enfin écrit mon livre, je veux dire, celui qui était en moi depuis toujours, et je ne le savais pas. Un livre tel que je pouvais vivre en lui, une musique si belle, qui m'avait traversé. Quelques instants, j'ai eu ce bonheur, comme si le navire avait enfin touché à sa destination. Combien de mots devrais-je écrire encore ? Avant de retrouver, un jour, l'illumination claire et facile, lorsque, dans la cabine du cargo qui m'emmenait vers l'inconnu, j'écrivais, au crayon gras sur la feuille de papier, en lettres capitales : QUAND PARTEZ-VOUS, MONSIEUR AWLB ? Le
Dictionnaire. Littérature française contemporaine, Jérome Garcin, éditions
François Bourdin, 1988
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Nice : au premier
plan la plage et la promenade des Anglais
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C'est donc à Nice que commence
l'aventure d'un écrivain, comme a commencé celle d'Apollinaire, au
début du XXe siècle,
qui s'est
promené dans les mêmes rues, a respiré
les mêmes odeurs, a entendu le même ressac de la mer sur
les galets. Peut-être y-a-t-il respiré, comme son
prédécesseur, l'odeur de la poésie dans celle de
l'iode dispersée par la mer. De l'école et de
l'université, il a en tous cas emporté un sérieux
bagage littéraire, mais aussi, parce qu'avoir vingt ans dans les
années 1960 c'est nécessairement vivre en images, un
sérieux bagage filmique: c'est le temps de la Nouvelle vague et
les ciné-clubs font florès. Son condisciple, Gilles
Jacob, deviendra le "patron" du Festival de Cannes. Le
Clézio a rapporté la mémoire et l'importance
présente de cette "formation" cinématographique dans Ballaciner,
publié en 2007. Et il raconte aussi volontiers son goût
pour le dessin et ses essais de dessinateur de BD au cours de ses
années lycéennes.
La mer, les images, une respiration, des sensations, des émotions ; là se découvre, se définit ce qui formera le tissu fondamental de l'écriture de Le Clézio. La phrase comme une respiration et le monde comme sensations. Il dit : "Pour celui qui écrit, le monde n'est jamais connu. C'est l'écrivant qu'on le découvre au fur et à mesure" et de fait, chaque texte de Le Clézio entraîne son lecteur (plus qu'il ne le convie) à faire l'expérience de la présence du monde et de sa présence au monde. |
Nice : une rue de la
vieille ville.
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BibliographieLe Procès-verbal, Gallimard, Paris. 1963 (Prix Renaudot)Le Jour où Beaumont fit connaissance avec sa douleur, Mercure de France, Paris. 1964 (rééd. 1985) La Fièvre, Gallimard, Paris. 1965 Le Déluge, Gallimard, Paris. 1966 Terra Amata, Gallimard, Paris. 1967 L'Extase matérielle, Gallimard, Paris. 1967 Le Livre des fuites, Gallimard, Paris. 1969 (coll. L'Imaginaire,, 1989) La Guerre, Gallimard, Paris. 1970 Haï, Skira, Sentiers de la Création, Genève. 1971 Les Géants, Gallimard, Paris. 1973 Mydriase, Fata Morgana, Montpellier 1973 Voyage au pays des arbres, (illustré par Henri Galeron) Gallimard, Voyages de l'autre côté, Gallimard, Paris. 1975 Les prophéties du Chilam Balam, Gallimard, Paris. 1976 Enfantimages, Paris. 1978 (rééd. 1988) Vers les icebergs, Fata Morgana, Montpellier. 1978 L'Inconnu sur la terre, Gallimard, Paris. 1978 Mondo et autres histoires, Gallimard, Paris. 1978 (folio, 1982) Lullaby, 1978, éd. 1980, folio junior, illustrée par Georges Lemoine Trois villes saintes, Gallimard, Paris. 1980 Désert, Gallimard, Paris. 1980 La Ronde et autres faits divers, Gallimard, Paris. 1982 (folio, 1990) Relation de Michoacan, Gallimard, Paris. (Adapté et présenté par) 1984 |
Villa
Aurore suivi de Orlamonde. (illustré par Georges Lemoine) Folio
Junior, Gallimard, Paris. 1985 (rééd. 1990)
Le Chercheur d'or, Gallimard, Paris. 1985 Voyage à Rodrigues, Journal. 1986 Le Rêve mexicain ou la pensée interrompue, Gallimard, Paris. 1988 Printemps et autres saisons, Gallimard, Paris. 1989 Sirandanes (avec Jemia le Clézio), Seghers, 1990 Coeur brûle et autres romances, Gallimard, Paris. 2000 Onitsha, Gallimard, Paris. 1991 Pawana, Gallimard, Paris 1992 Etoile errante, Gallimard, Paris. 1992 Diego et Frida, Stock. 1993 Ailleurs, entretiens avec Jean Louis Ezine, Arléa, 1995 La Quarantaine, Gallimard, Paris. 1995 Hasard suivi de Angoli Mala, Gallimard, Paris. 1999 Révolutions, Gallimard, Paris. 2003 L'Africain, Mercure de France. 2004 Ourania, Collection blanche, Gallimard, Paris, 2006.` Raga, approche du continent invisible, Seuil, Paris. 2006 Ballaciner, Collection blanche, Gallimard, Paris, 2007 Ritournelle de la faim, Collection blanche, Gallimard, Paris, 2008. Histoire du pied et autres fantaisies, Gallimard, Paris, 2011 Tempêtes, 2014 |
A écouter : une présentation et des lectures d'Ourania ; Une émission de RFI du 17 août 2014 à l'occasion de la publication de Tempêtes.
Et sur le site pileface une page consacrée à Le Clézio avec
quelques vidéos.
A lire :
le discours de réception du prix Nobel. Magnifique et bouleversant ! |