28 juin 1712 : Jean-Jacques Rousseau
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Portrait de Rousseau, Pastel de
Maurice Quentin de la Tour, vers 1743
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C'est à Genève
qu'a lieu l'événement, c'est-à-dire dans un milieu protestant et dans
la seule république existant alors. Le père est horloger. Jean-Jacques
est le deuxième enfant de la famille, mais de ce frère aîné, il ne
reste qu'une remarque dans Les
Confessions, et le roman qu'en a imaginé Stéphane Audeguy, Fils unique,
paru en 2006. La mère, Suzanne, meurt quelques jours après sa
naissance. Dix ans après, c'est le père qui s'enfuit de Genève.
L'enfant est alors accueilli dans sa famille maternelle et passe deux
ans (1722-1724) chez le pasteur Lambercier. En 1727, il entre en apprentissage, d'abord chez un greffier, puis chez un graveur. En 1728, il fugue et trouve refuge chez Mme de Warens, à Annecy, laquelle vient en aide à ceux qui veulent se convertir. Puis, il est envoyé à Turin (la Savoie appartenant au royaume de Piémont-Sardaigne) pour parachever sa conversion au catholicisme. A Turin, Rousseau fait un peu de tout et, en particulier de la musique. En 1732, il est de retour auprès de Mme de Warens, toujours à Annecy. En 1730, chargé d'accompagner M. Le Maître (maître de musique à Annecy), il le quitte (l'abandonne) à Lyon et quand il revient, "maman" est partie pour Paris. Quelques mois d'errance le conduiront jusqu'à Paris avant qu'il ne retrouve Mme de Warrens à Chambéry, en 1731. Il y restera jusqu'en 1740; des années qu'il estimera, dans ses Confessions, des années de bonheur. Il s'occupe de combler les lacunes de son instruction au pas de charge. Celle qu'il appelle "maman" se lassant peut-être de ce rôle, il reste quelques temps seul à la campagne, puis en 1740, devient précepteur à Lyon chez M. de Mably (frère de Condillac et de l'abbé Mably, plus tard, collaborateur de L'Encyclopédie). En 1742, il est à Paris. Il y vit en donnant des leçons de musique. C'est le début de son amitié avec Diderot. Puis il part à Venise, l'année suivante, comme secrétaire de l'ambassadeur de France. La collaboration ne dure guère et il est de retour à Paris en 1744. Il compose un opéra, Les Muses galantes, qui a un certain succès, et noue des relations avec le milieu des philosophes. Il rencontre aussi une jeune et jolie lingère, Thérèse Levasseur, avec laquelle il passera sa vie. Le couple aurait eu cinq enfants que Rousseau aurait abandonné aux enfants trouvés. En 1749, rendant visite à Diderot, emprisonné à Vincennes, Rousseau découvre le sujet mis au concours par l'Académie de Dijon : "Si le progrès des Sciences et des Arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs ?" Sa réponse sera le Discours sur les sciences et les arts (publié en 1750) dont la petite histoire laisse entendre que la prise de position paradoxale (pour son époque puisqu'il répond "non") lui aurait été soufflée par Diderot. Nonobstant, Rousseau a écrit le discours et devient célèbre en osant affirmer, à l'encontre de ses contemporains, que le progrès s'opère au détriment du bonheur des hommes. Il collabore à L'Encyclopédie pour les articles sur la musique et en 1752 propose un nouvel opéra, Le Devin de village. Dans la Querelle des Bouffons, il prend parti pour la musique italienne. |
En 1754, il retourne à Genève, abjure le catholicisme, et publie l'année suivante, toujours en réponse à une question de l'Académie de Dijon, son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Invité par Mme d'Epinay, il s'installe à l'Ermitage, à Montmorency (1756-57). Mais Rousseau a une curieuse propension à l'inquiétude qui le fait se fâcher rapidement avec son entourage. Les philosophes n'avaient pas vraiment apprécié Le Discours sur l'inégalité ; ces réticences irritaient l'amour-propre de Rousseau, et ce n'est pas la lettre, depuis devenue fameuse, de Voltaire qui résume ironiquement son point de vue, mais aussi d'une certaine manière celui des autres, qui pouvait arranger les choses : "[...] On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes; il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j'en ai perdu l'habitude, je sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre, et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. [...]" (30 août 1755). Les brouilles se multiplient. Rousseau quitte l'Ermitage pour s'installer à Montmorency, chez le Maréchal de Luxembourg où il reste jusqu'en 1762. Il y travaille à des oeuvres essentielles : Du contrat social (publiée en 1762) , L'Emile (publiée aussi en 1762), La Nouvelle Héloïse (publiée en 1761). En 1758, en publiant sa Lettre à d'Alembert sur les spectacles en réponse à l'article "Genève" qu'avait signé d'Alembert dans L'Encyclopédie, il achève de s'isoler du camp des philosophes. Et comme ses prises de position ne permettent pas de l'enrôler dans le camp adverse, Rousseau est seul. D'autant plus seul que dès la publication de L'Emile, le livre est condamné par le Parlement de Paris, Rousseau menacé doit fuir vers Genève où l'on brûle aussi ses livres. Quelques années de vie errante, mais entrecoupée de bonheurs (son séjour dans l'île Saint-Pierre sur le lac de Bienne, par exemple) vont se succéder. C'est dans ces années-là qu'il commence la rédaction des Confessions. Chassé de partout, il accepte l'invitation du philosophe David Hume qui l'accueille en Angleterre en 1766. Naturellement, il se brouille aussi avec Hume. Il revient en France, gagne sa vie en transcrivant de la musique, il herborise avec bonheur dans les environs de Paris. Il s'est lié d'amitié avec Bernardin de Saint-Pierre (l'auteur futur de Paul et Virginie, 1787) qui l'accompagne dans ses promenades. Il finit de rédiger ses Confessions (1765-1770), dont le texte ne sera publié qu'après la mort de l'auteur de 1782 à 1789, écrit ses Dialogues, Rousseau juge de Jean-Jacques, puis à partir de 1776, Les Rêveries du promeneur solitaire. Il meurt à Montmorency, en 1778, la même année que Voltaire, et est inhumé, selon son désir dans l'île des Peupliers, à Ermenonville. En 1794, ses restes sont transportés au Panthéon. |
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Pour mieux connaître les contemporains de Rousseau
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