6 juin 1606 : Pierre Corneille

coquillage



Corneille, dessin du XIXe siècle

Portrait de Corneille. Dessin de Geoffroy gravé par Colin Wolf pour une édition complète des oeuvres de Corneille publiée par Laplace en 1869. Taille douce coloriée.
Né, à Rouen, dans une famille de parlementaires normands, Pierre Corneille aura 5 frères et soeurs dont Marthe (née en 1623 qui deviendra madame Le Boyer de Fontenelle et sera la mère du philosophe) et Thomas (né en 1625, poète et dramaturge qui partage la vie de son frère jusqu'à sa mort).
Il fait de bonnes études chez les jésuites de Rouen et excelle en particulier dans la versification latine à laquelle il s'appliquera toute sa vie.
En 1624, il est licencié en droit, et devient avocat stagiaire au Parlement de Rouen (chambre, composée de magistrats, chargée en particulier d'enregistrer les décisions royales pour qu'elles deviennent effectives après vérification de leur compatibilité avec le droit).
Selon Fontenelle, sa première pièce, Mélite, date de 1625.  Elle est jouée par la troupe de Mondory qui, après avoir été itinérante se fixe à Paris et devient la troupe du Marais, en s'installant dans le jeu de paume de ce quartier, entrant ainsi en concurrence avec l'Hôtel de Bourgogne, seul théâtre de Paris en ce temps-là. Les troupes jouent dans les salles des jeux de paume.  La troupe du Marais montera  toutes les pièces de Corneille jusqu'en 1647.
Corneille habite la plus grande partie de sa vie à Rouen, mais il entretient des liens étroits avec les écrivains, les acteurs, le monde parisien des lettrés, en général, car dès Mélite, il est reconnu pour ce qu'il est, l'homme qui va transformer le théâtre. Il se rend régulièrement à Paris et fréquente le salon de Mme de Rambouillet ("la chambre bleue")
En 1628, la famille lui achète deux charges : celles d'avocat du roi au siège des eaux et forêts et d'avocat du roi à l'amirauté de France. Corneille occupe ces fonctions, avec conscience, en défendant les droits de la couronne, pendant 22 ans, jusqu'en 1650, date à laquelle il les revend.
Mais tout en plaidant, Corneille écrit des vers et des pièces qui sont des comédies et des tragi-comédies.
En 1635, le cardinal de Richelieu (auquel il a sans doute été présenté en 1633) institutionnalise le groupe réuni autour de Conrart en le transformant en Académie française et distribue aussi un certain nombre de pensions : Corneille fait partie des élus.  Il est intégré dans l'équipe d'auteurs (Boisrobert, Colletet, L'Estoile, Rotrou et lui-même) que le cardinal rétribue pour qu'ils écrivent des pièces dont il définit l'intrigue. Jusqu'à la mort de Richelieu, et malgré la querelle du Cid, Corneille reste au service du cardinal.
C'est cette année-là qu'il écrit sa deuxième tragédie : Médée.
En même temps, il s'intéresse à la littérature espagnole et en décembre est mis en scène Le Cid, un triomphe et, comme souvent dans ce cas, un facteur de polémique.
De juillet 1639 à janvier 40, de graves troubles secouent Rouen : révolte des pauvres contre le fisc. Elle sera durement réprimée: 5 hommes sont arrêtés et exécutés sommairement, le Parlement est dissous et les parlementaires exilés pour un an.
1640 : Horace

En 1641, Corneille se marie avec  Marie de Lampérière, de onze ans sa cadette. Ils auront sept enfants.
1642 : Cinna
1643 : Polyeucte
1647 : il est élu à l'Académie française et son frère, Thomas, fait ses débuts au théâtre. En 1650, Thomas épouse la belle-soeur de son frère, Marguerite de Lampérière. Les deux couples vont vivre ensemble.
La Fronde éclate en août 1648 et le pays connaît pendant presque cinq ans une période de troubles, d'agitations, voire de guerre civile. Peut-être faut-il voir là la raison pour laquelle Corneille se tourne vers la réflexion religieuse et entreprend en 1651, la traduction de L'Imitation de Jesus-Christ qui sera terminée en 1656. Il s'agit d'un texte de dévotion, rédigé en latin, composé de quatre parties, datant du XVe siècle, généralement attribué à Thomas a Kempis. Cette publication rencontre un grand succès et sera continuement republiée jusqu'en 1670. Au XIXe siècle, Lamennais en proposera une nouvelle traduction.
En 1558, la troupe de Molière est de passage à Rouen. Les deux hommes font alors connaissance. A Paris, Molière jouera les pièces de Corneille, en particulier Tite et Bérénice, et lui demandera même sa collaboration pour écrire Psyché, en 1671 (Lully se chargeant de la musique, Quinault des chansons, Molière fournissant le canevas de cette tragi-comédie ballet).
En 1662, les deux frères , Thomas et Pierre, et leurs épouses, déménagent de Rouen et s'installent à Paris. Ils sont d'abord logés chez le duc de Guise, protecteur officiel de Pierre Corneille. En 1663, une édition de ses oeuvres complètes est publié en in-folio, "format réservé aux grands anciens, aux Virgiles, aux Tacites : nul autre écrivain du XVIIe siècle n'aura pareille consécration." (Corneille par lui-même, Louis Herland, Seuil, 1956)
Mais le succès n'est plus vraiment au rendez-vous et après l'échec de Suréna, 1674, Corneille se retire définitivement de la scène.

L'apport de Corneille

Corneille, non seulement rénove le théâtre dans tous ses domaines (comédie et tragédie) mais est aussi un écrivain à part entière, d'un genre tout nouveau alors, qui se charge progressivement lui-même (il détient le privilège de ses publications qu'il vend fort cher, dit-on) de la publication de ses oeuvres ; il théorise dans les "Examens" qu'il joint à ses oeuvres (pour l'édition de 1660) ; il lui arrive de publier avant que la pièce ne soit montée, ce qui est une nouveauté, mettant ainsi en compétition les troupes pour l'obtention de la pièce. Il règne pendant longtemps sur les scènes françaises et ne sera détrôné que par Racine, qui finira, d'ailleurs, après l'avoir longtemps attaqué, par s'incliner devant son indubitable talent. Les changements de mentalité et de goût, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, expliquent qu'il passe au second plan, même s'il est vrai que toutes ses pièces n'ont pas la même force. Reprenant une vieille formule d'Aristote opposant Sophocle et Euripide, La Bruyère écrit : "Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres ; celui-là peint les hommes comme ils devraient être ; celui-ci les peint tels qu'ils sont. Il y a plus dans le premier de ce que l'on admire, et de ce que l'on doit même imiter ; il y a plus dans le second de ce que l'on reconnaît dans les autres, ou de ce que l'on éprouve dans soi-même." (Les Caractères, "Des ouvrages de l'esprit", 54)
Le double intérêt de Corneille se situe à la fois sur le plan dramaturgique  et sur le plan de la réflexion. Il joue en maître de toutes les ressources de la scène, en particulier de l'art du rebondissement et du coup de théâtre ; il développe dans ses tragédies une réflexion sur le pouvoir et le politique qui n'a rien perdu de son acuité au fil des siècles.
En 1676, le roi lui rend hommage en faisant jouer six de ses pièces à Versailles.
Il meurt en 1684.



Oeuvres de Corneille


1625 : Mélite (comédie)
1632 : Clitandre (tragi-comédie) / La Veuve (comédie)
1633 :  La Galerie du Palais (comédie)
1634 : La Suivante (comédie) / La Place royale (comédie)
1635 : Médée (tragédie)
1636 : L'Illusion comique (comédie)
1637 : Le Cid (tragi-comédie)
1640 : Horace (tragédie)
1642 : Cinna (tragédie)
1643 : La Mort de Pompée (tragédie) / Polyeucte (tragédie chrétienne)

1644 : Le Menteur (comédie) / La Suite du menteur (comédie)
1645 : Théodore, vierge et martyre (tragédie chrétienne)  / Rodogune, princesse des Parthes (tragédie)
1647 : Héraclius, empereur d'Orient (tragédie)
1649 : Don Sanche d'Aragon (comédie héroïque)
1650 : Andromède (tragédie) - pièce à machines qui annonce l'opéra, jouée au Petit Bourbon, le théâtre qu'occupera de Molière à partir de 1658.
1651 : Nicomède (tragédie)
1652 : Pertharite, roi des Lombards (tragédie)
1659 : Oedipe (tragédie)


1661 : La Conquête de la Toison d'or (tragédie)
1662 : Sertorius (tragédie)
1663 : Sophonisbe (tragédie)
1664 : Othon (tragédie)
1666 : Agésilas (tragédie)
1667 : Attila, roi des Huns (tragédie)
1670 : Tite et Bérénice (comédie héroïque), montée par la troupe de Molière.
1672 : Pulchérie (comédie héroïque)
1674 : Suréna, général des Parthes  (tragédie)


A lire
: Moi, Pierre Corneille, Christian Biet (Gallimard découvertes, 2005) : une alerte biographie insérant bien Corneille dans le contexte théâtral mais aussi politique du XVIIe siècle, qui a le mérite de rendre Corneille proche de nous, même si elle force quelque peu le trait en donnant à l'écrivain la figure d'un homme avide de pouvoir, assez semblable au portrait de Racine dessiné par Alain Viala dans La Stratégie du Caméléon, ce qui n'est pas totalement exact.
Un article intéressant sur la réflexion de Fumaroli au sujet de la formation du dramaturge : "Marc Fumaroli, interprète de Corneille, dramaturge et poète de l’humanisme chrétien"de Marie-Odile Sweetser


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