La Préciosité

coquillage



Antoine Furetière dans son  Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, & les Termes de toutes les sciences et des arts, publié pour la première fois à Amsterdam, en 1690, propose trois entrées pour l'adjectif précieux.
Dans les deux premières il distingue :
 1. ce qui est d'un grand prix, de valeur, que l'on respecte et qu'on estime (tous les exemples viennent de la religion). Il ajoute que l'on parle de "pierres précieuses", de "meubles précieux", de "colonnes précieuses" en architecture. Le tout renvoyant au "prix" (en monnaie) du matériau.
2. se dit aussi en général de ce qui est cher, important, aimé,  et dont on fait une estime particulière. Les exemples proposent : le roi, le père, la vertu.
La troisième entrée est relative à la préciosité :



Précieuse est aussi une épithète que l'on donnait autrefois à des filles de grand mérite et de grande vertu, qui savaient bien le monde, et la langue : mais parce que d'autres ont affecté et outré leurs manières, cela a décrié le nom et on les a appelées fausses précieuses ou précieuses ridicules : Molière en a fait une Comédie et de Pure un Roman, pour faire sentir le faux mérite des précieuses. Tout ce qui sent l'étude, qui a de l'affectation choque la langue française et un style affecté ne lui déplaît guère moins que les fausses précieuses déplaisent aux gens de bon goût, avec toutes leurs façons et toutes leurs mines. BOU (Bouhours) C'est être précieux plutôt que délicat, que de trouver toujours à redire à tout. BELL L'air prude et précieux sert à certaines personnes à couvrir leurs commerces. M. ESP On a appelé aussi un mot précieux, un mot factice et affecté, une manière extraordinaire de s'exprimer.


Furetière note ainsi qu'il y a deux acceptions au terme, qu'il n'existe qu'au féminin, et qu'il qualifie à la fois les femmes d'un réel mérite, et celles qui font semblant d'en avoir en affectant leur apparence.
AU XVIIIe siècle, dans L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, le terme dans cette troisième acception n'a plus qu'un sens péjoratif :
 "Précieux : adj. (Gram.) qui est d'un grand prix. Ainsi l'on dit d'une belle pierre qu'elle est précieuse ; d'un morceau d'histoire naturelle qui montre quelqu'accident particulier, qu'il est précieux ; d'un tableau, que le coloris en est précieux ; d'un grand ministre, que c'est une vie précieuse à l'Etat ; d'une expression trop recherchée, qu'elle est précieuse ; d'une femme qui a l'habitude de ces expressions, que c'est une précieuse, etc."
Ainsi s'était imposée l'image que Les Précieuses ridicules de Molière, en 1659, avait diffusée tout en attirant l'attention sur ce qui était loin d'être une nouveauté, en réalité.



Car ce que l'on va appeler la préciosité, est un mouvement de longue durée. On en voit les prémisses dans les années vingt du XVIIe siècle, il se prolonge jusque dans les années soixante de ce même siècle et un peu au-delà. Comme dans tout mouvement culturel, il prend alors deux visages, l'un invisible ; l'autre trop visible. D'une part, il s'est diffusé et dissous dans ce qui a été transformé, modifié de la vie de Cour et par contrecoup dans toute société urbaine : développement d'une nouvelle politesse ; transformation du statut des femmes dans la société; langue codifiée, dans sa syntaxe comme dans son vocabulaire ; curiosité et réflexion scientifique,  et qui cesse d'être perçu comme tel puisque ce sont "les moeurs du temps" ; d'autre part, il a débordé des cercles qui lui ont donné naissance pour devenir une "mode", ce qui implique une surenchère dans la distinction qui est souvent poussée jusqu'à l'extravagance par quelques personnages, pourquoi Molière peut s'en emparer pour en faire la satire, en quoi il est précédé et suivi dans ces années soixante par d'autres écrivains, dramaturges, libraires — c'est-à-dire éditeurs.

La littérature à l'origine de la préciosité :

Deux livres jouent un rôle particulier dans le mouvement complexe que nous appelons préciosité. Le premier, publié au XVIe siècle, en 1528, est Le Livre du courtisan (par courtisan, il faut entendre homme de cour, c'est-à-dire, le modèle des gens comme il faut) de l'Italien Baltassare Castiglione (1478-1529); traité de savoir-vivre, présenté en quatre conversations, il prône la discrétion, la réserve, la générosité, l'attention à autrui, la culture aussi bien que la maîtrise du corps (l'humanisme en fait déjà grand cas, de Rabelais à Montaigne), et, par-dessus tout le naturel ; l'affectation est la faute la plus grave. Castiglione lui oppose la sprezzatura :"[..] je trouve qu'il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l'on fait et que l'on dit, c'est qu'il faut fuir, autant qu'il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l'affectation, et pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d'une certaine désinvolture [una certa sprezzatura], qui cache l'art et qui montre que ce que l'on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser." (Le Livre du coutisan, traduction Alain Pons) Toutes ces qualités se retrouvent à peu près identiques dans ce que l'âge classique appellera "honnête homme".
Le second est un roman d'Honoré d'Urfé (1568-1625) , L'Astrée, publié entre 1607 et 1624, qu'il laisse inachevé mais dont le dernier volume sera publié en 1627, terminé par son secrétaire.
L'Astrée raconte les amours de Céladon (un berger) et d'Astrée (une bergère); amours contrariées par les rigueurs d'Astrée qui chasse Céladon, lequel devra reconquérir sa belle. Le roman déploie mille aventures mais surtout une analyse psychologique particulièrement fine des sentiments qui lui a valu un grand succès. Dans les salons, la vogue sera de se donner des prénoms romanesques que l'on puisera dans cette oeuvre, aussi bien que de se lancer dans de grands débats sur des thèmes de casuistique amoureuse, faisant revivre les cours du XIIe siècle et la courtoisie qui s'élaborait alors et avec laquelle les précieuses vont renouer.
Les deux oeuvres vont fournir un tissu de références à celles et ceux qui veulent transformer les rapports sociaux d'un monde lui-même en voie de transformation, dans lequel la bourgeoisie commence à occuper une place économique notable et dont les enfants sont souvent des représentants des Belles-Lettres.









Corneille lisant "Polyeucte"

Au XIXe siècle (1887), on représente ainsi, sur le modèle des peintures du XVIIIe siècle, la sociabilité nouvelle que les salons développent. Cette gravure représente Corneille lisant Polyeucte chez madame de Rambouillet, vers 1640-41, puisque la pièce est montée en 1641. La posture de Corneille rappelle celle des lecteurs dans le cénacle hugolien des Romantiques, il souligne l'importance des femmes au premier rang, la présence des cavaliers et des hommes d'Eglise (Bossuet a aussi été un des habitués de la Chambre bleue).


Le pilier de la préciosité : le salon de Catherine de Vivonne Sallevi, marquise de Rambouillet.

Entre 1620 et 1665, année de sa mort, Catherine de Vivonne Sallevi, marquise de Rambouillet (1588-1665), c'est ainsi qu'elle inscrit son nom dans sa devise rendant hommage à sa mère, italienne, réunit ses amis chez elle. C'est le début du siècle. De santé fragile, la jeune femme fréquente peu la cour et reçoit dans sa chambre (la Chambre bleue), semi-allongée sur son lit autour duquel se groupent ses hôtes: la mode des "ruelles" vient de commencer. Rendez-vous élitiste qui fait se côtoyer la très haute aristocratie (par exemple, Richelieu dans les années vingt, ou le duc d'Enghein — futur grand Condé — dans les années quarante),  des érudits, ces doctes qui vont théoriser ce qu'on nommera "classicisme"  et qui s'épanouira dans la seconde moitié du siècle (Conrart, Vaugelas, Chapelain, Malherbe, etc.) et des écrivains, dont un certain nombre que les histoires littéraires cataloguent "baroques", d'autres burlesques comme Scarron, en les opposant à la préciosité, alors qu'ils y ont largement participé. On s'y divertit de plaisanteries, de bons tours joués aux uns et autres, de parties de campagne et de bals, mais aussi de jeux littéraires : on y écrit des rondeaux, mode que lance Voiture, des madrigaux, des fables, des énigmes, des impromptus, des bouts-rimés ; on y écrit et reçoit des lettres où doivent briller esprit et ingéniosité, ainsi de celle, fameuse, de "La carpe au brochet", rédigée par Voiture, pour féliciter le duc d'Enghein de la victoire de Rocroy ; on y entend la lecture de nouvelles oeuvres littéraires, Corneille n'y manque pas lors de ses passages à Paris. On y privilégie les longs romans d'amour où des jeunes gens affrontent nombre d'obstacles dans une idyllique campagne avant de pouvoir se rejoindre enfin. Voiture en est l'âme jusqu'à sa mort en 1648. Cette mort et les événements de la Fronde vont, d'une certaine manière, faire entrer dans l'ombre ce salon que continuent pourtant à fréquenter les habitués dont Mme de Sévigné et Mme de La Fayette.

Les samedis de Melle de Scudéry

Les salons vont se multiplier à Paris, dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Parmi eux se détache celui de Madeleine de Scudéry (1607- 1701) qui, après avoir fait ses débuts dans la Chambre bleue, anime son propre salon, le "samedi",  à partir de 1652. Cercle beaucoup plus littéraire, il se situe plutôt dans la tradition des Académies que dans celle des salons mondains, ne serait-ce que parce qu'on y tient registre de ce qui s'y déroule et que le divertissement y a moins de part que les considérations artistiques voire linguistiques. Ecrivain elle-même, Madeleine de Scudéry a été à son époque un personnage considérable dont les romans se lisaient avec passion. La reine de Suède, Christine, de passage à Paris, exigea qu'elle lui fût présentée. L'image de la vieille fille prétentieuse est un cliché dont il faut revenir.
Un peu plus tard, à partir de 1662, Ninon de Lenclos, courtisane célèbre, tient un salon ouvertement libertin, mais dans lequel fréquente le même petit monde d'aristocrates, d'écrivains et d'hommes de sciences. Ce dernier salon est déjà un avant-goût de ce que seront ceux du XVIIIe siècle fréquentés par les philosophes.


Abrahma Bosse, vers 1635
Cette gravure d'Abraham Bosse, vers 1635, montre déjà par son titre, Les Vierges folles, emprunté à l'apologue biblique, une critique des goûts et activités féminines dont elles faisaient aussi les activités des salons qu'elles animaient (souci de la beauté et de l'élégance: le miroir, mais aussi l'ameublement, musique, roman, jeu de cartes). Les quatrains qui commentent la gravure sont explicites à ce sujet  :
 Tu vois comme ces Vierges folles / S'amusent inutilement / Après des actions frivoles, / Dont Elles font leur élément. // Les Jeux, les Festins, la Musique, / La Danse, et les livres d'Amour ; / C'est à quoi leur Esprit s'applique, / Y passant la nuit, et le jour. // Ô que ces Ames insensées / Chérissent les Mondanités ! / Leurs paroles, et leurs pensées / Ne s'attachent qu'aux Vanités. // D'un faux lustre leur vie éclate ; / Elles aiment ce qui leur nuit / Et lors que le Monde les flatte, / Il les enchante et les détruit" (Orthographe modernisée).








La préciosité  est un mot commode (n'en déplaise à Roger Duchêne) pour désigner un mouvement qui traverse le siècle et transforme à la fois les moeurs et la littérature. C'est un mouvement profondément féminin, au sens où né et développé dans les salons, il est d'abord impulsé par celles qui reçoivent. Pour cette raison, il est aussi porteur de revendications féminines, ce qui n'est sans doute pas étranger à sa dépréciation. La question des rapports entre hommes et femmes, l'inégalité de traitement social entre les premiers et les secondes, partant la question du mariage se posent déjà dans les années vingt, dans la Chambre bleue (et ailleurs puisque Marie de Gournay publie, en 1626, Le Grief des dames), et elle continue à se poser tout au long du siècle. Par Molière tout premier, malgré ses Précieuses et ses Femmes savantes, qui, dans L'Ecole des femmes, comme dans d'autres comédies interroge sur cet asservissement féminin fondé sur un déni de raison. Se pose en même temps la question de l'éducation : pourquoi la refuser aux femmes ? Le débat n'en sera pas clos de si tôt puisque Boileau se gausse encore, dans la Satire X (publiée en 1694, mais commencée dès 1677), de Mme de la Sablière et de son intérêt pour les sciences et enchaîne immédiatement sur une attaque des Précieuses. Mais le statut des femmes s'est modifié, de manière graduelle et peu spectaculaire, puisque à travers leurs salons leur influence sur la vie sociale et politique ne cesse de se manifester. Par ailleurs, elles sont plus nombreuses à écrire, traduire (Mme Dacier). La vogue des salons a aussi une autre conséquence à la fois pour les moeurs et pour la littérature : la conversation s'y développe en art. Lire les Lettres de Mme de Sévigné permet d'en entendre un écho: chronique mondaine et considérations politiques, littéraires, s'y déploient avec vivacité et humour.
Les "précieuses" et ceux qui les fréquentent, c'est-à-dire, tout ce que compte d'important le XVIIe siècle, se mêlent tout autant de littérature et de langue, elles infléchissent par leur goût les créations de leur temps, comme elles laisseront leur marque dans nos usages linguistiques ( en introduisant des mots nouveaux, par exemple, "s'encanailler, féliciter, enthousiasmer, bravoure, anonyme, incontestable", en définissant précisément leur sens, etc.). En même temps, elles sont résolument du parti des Modernes bien avant que la Querelle ne se déclenche vraiment.

J.-C. Tournand, dans son Introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle souligne avec force le rôle de la préciosité dans la construction du classicisme :




La préciosité [...] lui [au classicisme] apportait le goût de la rigueur, de la finesse dans l'analyse, l'horreur du contingent et l'illusion de l'éternité. Surtout, en éduquant un public choisi, elle a imposé aux grands créateurs, sinon toutes les conventions, du moins un sens très raffiné des usages et des bienséances, qui les a contraints, pour le meilleur et pour le pire, à discipliner leur génie.
J.-C. Tournand, Introduction à la vie littéraire du XVIIe siècle, éd. Bordas, 1970, p. 75









Les jeux littéraires de l'hôtel de Rambouillet (la Chambre bleue)





Enigme rédigée par l'abbé Cotin (qui servit de modèle au Trissotin des Femmes savantes)

Qui suis-je ?

Mon corps est sans couleur comme celui des eaux
Et selon la rencontre il change de figure ;
Je fais plus d'un seul trait que tout la peinture
Et puis mieux qu'un Apelle animer mes tableaux.

Je donne des conseils aux esprits les plus beaux
Et ne leur montre rien que la vérité pure ;
J'enseigne sans parler autant que le jour dure,
Et la nuit on me vient consulter aux flambeaux.

Parmi les curieux j'établis mon empire,
Je représente aux rois ce qu'on n'ose leur dire,
Et je ne puis flatter ni mentir à la cour.

Comme un autre Pâris je juge les déesses,
Qui m'offrent leurs beautés, leurs grâces, leurs richesses,
Et j'augmente souvent les charmes de l'amour.

Recueil des énigmes de ce temps, 1646-1655

Il s'agit, bien sûr, du miroir






Niccolo Renieri

Niccolo Renieri (Nicolas Régnier, peintre français né à Maubeuge mais qui fit carrière en Italie, 1591-1667), Jeune fille au miroir, vers 1626,  musée des Beaux-Arts de Lyon.


frontispice de la Guirlande de Julie

Frontispice de La Guirlande de Julie, recueil de poèmes qu'à la demande du Duc de Montausier, amoureux de Julie D'Angennes, fille de la marquise de Rambouillet, les habitués de la Chambre bleue rédigèrent en son honneur. Chaque poème célébrait la beauté de la jeune-fille avec une fleur :
Melle de Scudéry écrivit "Le Pavot"
Accordez-moi le privilège
D'approcher de ce front de neige :
Et si je suis placé, comme il est à propos,
Auprès de ces soleils que le Soleil seconde,
Je leur donnerai le repos
Qu'ils dérobent à tout le monde.

Le manuscrit soigneusement copié et relié fut remis pour sa fête, à Julie, en 1634; elle avait alors 27 ans.




Roger Lathuillère dans La Préciosité, étude historique et linguistique, éd. Droz, 1969, définit la préciosité comme une "aristorcatie de l'esprit". Dans ces deux paragraphes, il met en valeur son rôle  dans l'analyse psychologique dont on fait crédit autant à La Rochefoucauld qu'à Racine ou Madame de La Fayette, en y voyant les plus classiques de nos écrivains, ce qu'ils sont mais qui ne devrait pas faire oublier d'où ils viennent ni sur quel terrain leurs oeuvres ont pu naître et se développer.




[...]
     Elle [la préciosité] met en jeu les plus grands noms, parmi les écrivains du règne de Henri IV et de Louis XIII : il a fallu invoquer à son sujet Honoré d'Urfé, Guez de Balzac, Corneille et Voiture. Nulle part on n'a vu qu'elle ait dénaturé leur héritage, même si elle ne l'a pas recueilli tout entier. Après elle, elle a laissé des traces profondes chez Molière, quelques critiques qu'il en ait faites, La Fontaine, Racine. Elle nourrit les réflexions du chevalier de Méré, les remarques grammaticales du père Bouhours, elle pénètre l'atmosphère romanesque et la psychologie amoureuse de La Princesse de Clèves et elle marque de son empreinte les Maximes de La Rochefoucauld. Elle a inspiré toute une littérature psychologique et morale, surtout abondante dans la poésie et le roman, mais aussi représentée à l'occasion par la tragédie, dont les classiques se sont imprégnés ; elle n'est même pas étrangère à la naissance et au succès d'un genre nouveau comme l'opéra. Elle montre, en somme, par la quantité de ses implications et de ses résurgences, comme par celle de ses origines, sa propre richesse intérieure. Située au centre du siècle, elle en reflète les nombreux aspects, soit qu'elle résume ceux qui précèdent, soit qu'elle prépare et annonce ceux qui relèveront d'elle.
     En dépit des sacrifices qu'elle consent, de temps à autre, aux grâces de la légèreté et de l'amusement conduites par Voiture et quelques-uns de ses émules, Sarasin notamment, elle a une prédilection toute particulière pour les occupations sérieuses. Elle a une haute idée d'elle-même et des tâches qu'elle a à accomplir. Qu'il s'agisse de littérature, de poésie, de morale, d'instruction féminine, de mariage ou de question de langue, elle aborde tous les sujets avec confiance, et même avec audace. Elle veut pousser plus avant la connaissance de l'homme intérieur ; elle désire explorer les zones inconnues de l'âme et apporter des nuances nouvelles, d'une délicatesse encore insoupçonnée, dans l'analyse des sentiments. Elle conçoit la vie et l'amour, et l'anatomie des coeurs, comme un moyen de culture de soi. Aussi quelle que soit l'importance qu'elle accorde aux belles passions, ne cesse-t-elle de donner la première place à l'intelligence et à la raison. Elle aime distinguer, opposer, disséquer, par un effort cérébral et lucide. Ainsi, elle se crée une image de l'homme toute de noblesse et de grandeur. Loin de tout ce qui est vulgaire, bas, terre à terre, ou tout simplement commun et bourgeois, elle est en quête de perfection, d'élégance, de finesse et de pureté. C'est pourquoi elle se retrouve dans le théâtre cornélien qui l'aide à se hausser, au-dessus des banalités de la vie, jusqu'aux grandeurs héroïques exemplaires. A son école, comme à celle de L'Astrée, elle a pris le goût des débats élevés, des dissertations subtiles sur des cas complexes de morale ou de conduite amoureuse. Alors elle peut satisfaire son penchant pour les examens, les comparaisons, les définitions. Ce faisant, elle espère atteindre à la nature profonde des choses, à leur essence, par une abstraction progressive, tout en établissant des hiérarchies ingénieuses, comme par exemple entre les diverses sortes d'amour, d'estime ou de reconnaissance.







A voir
: l'exposition virtuelle de la BnF sur Abraham Bosse, graveur du XVIIe siècle qui est une mine d'information sur cette époque.
A lire : la présentation du livre de Roger Duchêne, Les Précieuses ou comment l'esprit vient aux femmes (Fayard, 2001) et le livre lui-même.
A consulter : Le Grand dictionnaire des précieuses  que Sommaize publie en 1660, pour y voir en particulier ce qui est resté de ces façons de s'epxrimer.
A feuilleter : La Guirlande de Julie, sur le site Gallica de la BnF.


 
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