12 janvier 1628 : Charles Perrault

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Sur les Contes de Perrault
: 1. Les contes: un témoignage sur le XVIIe siècle ?; 2. Présentation des Contes ; 3. Le plus célèbre des illustrateurs de Perrault, Gustave Doré ; 4. La version en prose de Peau d'âne (XVIIIe siècle); 5. Les contes en vers (Grisélidis, Les Souhaits ridicules, Peau d'âne) ; 6. Les contes en prose (Histoires ou contes du temps passé avec des moralités, 1696) ; 7. Définir le conte ;





Perrault

Portrait de Charles Perrault, gravure de Fortebat

     C'est sans doute l'un des écrivains les plus célèbres de la littérature française puisqu'il est l'auteur de contes, auxquels son nom est toujours attaché: "les contes de Perrault", dont toutes les enfances ont été bercées. Mais c'est à son propos que l'on peut parler à bon droit d'un "illustre inconnu". Car que sait-on de Perrault ? pas grand chose, pour ne pas dire rien.
Il a pourtant été l'un des hommes les plus importants de son temps.
     Il naît, dernier enfant (son jumeau, François, ne vivra que six mois) dans une famille qui compte déjà quatre garçons : Jean (qui mourra en 1669) avocat comme le père, Pierre (1608-1680) qui deviendra financier, Claude (1613-1688) qui sera médecin et architecte [on lui doit la colonnade du Louvre], et Nicolas (1624-1661) qui sera théologien : "Je suis né le douzième janvier 1628, et né jumeau. Celui qui vint au monde quelques heures avant moi fut nommé François et mourut six mois après. Je fus nommé Charles par mon frère le receveur général des finances qui me tint sur les fonts avec Françoise Pepin, ma cousine." (premier paragraphe des Mémoires de ma vie)
     Famille de bonne bourgeoisie parisienne, de tendance janséniste (comme la majorité du milieu parlementaire auquel elle appartient), ce qui signifie pour l'époque, plutôt dans l'opposition au pouvoir royal. Il fait de bonnes études au collège de Bauvais, puis du droit et devient avocat en 1651. Au cours de ses études, avec ses frères, ils se sont amusés à rédiger une Enéide burlesque (1648) et l'année suivante Les Murs de Troie ou l'Origine du burlesque (le poète Scarron, auquel ce dernier texte est dédié, avait mis à la mode ces parodies d'épopée qui permettaient, non seulement de s'amuser, mais aussi d'attaquer Mazarin).
     Une fois diplômé, Charles devient commis de son frère Pierre, lorsque ce dernier achète sa charge de receveur général des finances (1654) et se fait remarquer par quelques incursions dans la préciosité  (toujours la mode !) qui le font bien recevoir du cercle de Fouquet. Toutefois, il sait aussi faire sa cour au roi en rédigeant une Ode sur la paix et une Ode sur le mariage du roi (1660) En 1662, il est nommé secrétaire de la petite Académie ce qui fait de lui pour vingt ans (il ne sera écarté qu' en 1682, un an avant la mort de Colbert) le dispensateur du mécénat royal. En 1665, sa nommination comme Contrôleur général de la surintendance des bâtiments renforce ce pouvoir.

     En 1671, il entre à l'Académie française et en devient le secrétaire. On lui doit les séances publiques pour l'accueil des nouveaux membres, les élections à bulletins secrets et les jetons de présence. Charles Perrault domine alors, et régente, le monde littéraire et artistique.
     Mais le pouvoir est nécessairement en butte à des critiques : elles ne manquent pas à l'encontre de Perrault (Racine et Boileau, par exemple, lui étaient plutôt hostiles), et quelques mois avant la mort de Colbert, avec l'ascension de Louvois, Perrault tombe en disgrâce. Il se tourne vers sa vie familiale et l'éducation de ses trois enfants, dont la mère est morte en 1678, trois mois après la naissance du dernier, Pierre Darmancour, auquel Perrault attribuera la paternité des Contes.
     Ce ne sera pas, pour autant, un retrait de la littérature. Il continue à écrire des ouvrages religieux et, surtout, il va être l'un des plus fervents défenseurs des modernes dans ce qui sera appelé la "Querelle des Anciens et des Modernes", non seulement avec son poème Le Siècle de Louis le Grand, lu à l'Académie française en janvier 1687, pour célébrer la guérison du roi (ce texte va relancer un débat toujours prêt à s'enflammer entre 1653 et 1715) mais en publiant, entre 1688 et 1697, les quatre volumes d'un Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde les arts et les sciences, puis les deux volumes (1696-1700) des Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle avec leur portrait au naturel, Perrault assume, en quelque sorte, le commandement du camp des Modernes. A quoi s'ajoutent de nombreux autres textes dont le premier des contes du futur recueil, Grisélidis (1691), et une Apologie des femmes : les femmes sont, dans leur majorité, des alliées des modernes et Boileau est en train de terminer sa Satire X où il les moque.
Si Perrault est résolument moderne, il n'en est pas moins un écrivain classique. D'abord, parce que ses études lui ont fourni les savoirs du temps (latin, connaissance des écrivains gréco-latins, maîtrise de la rhétorique), ensuite parce que son esthétique relève bien de l'idéal de son temps  (que le romantisme appellera "classique"), le même que pour La Fontaine, Racine ou Boileau contre lequel il gerroye: ordre, mesure, équilibre, vraisemblance et naturel, langue claire et précise.
La modernité de Perrault, c'est aussi, comme le fait remarquer Soriano,  son inspiration "mondaine", venue des événements comme des salons qu'il fréquente : "Il crée plus facilement dans le cadre d'une mode, d'une compétition littéraire ; il aime être soutenu et porté par un sujet, par les règles d'un «jeu». Il en est d'ailleurs assez conscient pour se targuer dans ses Mémoires d'avoir su lancer des "modes", ou d'avoir été à leur pointe.






LA QUERELLE DES ANCIENS ET DES MODERNES

      C'est une bien vieille histoire qui réapparaît, périodiquement. Dès les premiers siècles du christianisme, on s'interroge sur la valeur de l'héritage antique. Les pères de l'Eglise sont en désaccord sur ce que l'on peut conserver d'un passé païen  : Augustin lui est défavorable, Jérome plutôt favorable. La dispute renaît au XVIe siècle, quand il s'agit de développer les langues et les littératures nationales avec des arguments que reprendront Perrault et ses amis "modernes" en particulier celui de la construction progressive des savoirs.
    Elle se réactive, au XVIIe siècle, dès les lendemains de la Fronde. Un certain nombre d'écrivains voudraient privilégier dans les tragédies ou les poèmes épiques des sujets empruntés au christianisme, considérant que l'antiquité gréco-latine, païenne, n'a plus grand chose à apporter à un monde totalement différent.  Boileau et le père Rapin contrent l'attaque et semblent l'emporter en réaffirmant l'excellence des lettres anciennes.
     En 1676-77, la querelle rebondit à propos de la langue française : doit-on continuer à utiliser le latin pour les inscriptions sur les monuments ? Cette fois-ci, les défenseurs du français l'emportent: ils ont pour eux les salons, c'est-à-dire les femmes, et tous ceux que le classicisme commence à étouffer, sans compter les ennemis de Racine et de Boileau, partisans déterminés des anciens.
     En janvier 1687, Perrault fait lire, à l'Académie française, son poème, Le Siècle de Louis le Grand, où il exalte le présent contre le passé. Les anciens reprennent le combat. On s'affronte à grands coups de textes prônant l'antiquité (Boileau, La Fontaine, La Bruyère) ou la modernité (Fontenelle, Perrault), à grand renfort d'injures aussi. Même si les deux principaux adversaires, Boileau et Perrault, sont apparemment réconciliés, en 1694, la "querelle" n'en poursuit pas moins son chemin souterrain, pour rebondir au grand jour dans les premières années du XVIIIe siècle.
     Ce seront les modernes qui l'emporteront avec des conséquences importantes pour l'avenir, en particulier, en séparant l'érudit, le savant, homme de cabinet plus tard de l'université, de l'écrivain, "homme de son temps, écrivant pour son temps", et en prônant l'innovation contre l'imitation, transformant ainsi en valeur la "nouveauté", la "surprise", l' "originalité".






     En 1697, paraissent, sous le nom de Pierre Darmancour, Histoires ou contes du temps passé avec des moralités. Le succès rencontré par ce très mince recueil (8 contes) ne se démentira jamais.  Mais les dernières années de Perrault sont consacrées à la traduction d'hymnes religieuses et surtout à la rédaction de ses Mémoires qui paraîtront de manière posthume, en 1759, sous le titre de Mémoires de Charles Perrault contenant beaucoup de particularités et d'anecdotes intéressantes du ministère de M. Colbert.
     Charles Perrault s'éteint en 1703.



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