Moreau le jeune : illustration du chapitre III de Candide |
A propos de Voltaire, ce site contient : 1. une biographie de l'auteur - 2. De l'horrible danger de la lecture, 1765 - 3. Un extrait de l'article "homme" (Questions sur l'Encyclopédie, 1771) - 4. Un extrait de l'article "Guerre" (Dictionnaire philosophique portatif, 1774) - 5. Une présentation de Candide, 1759 - 6. Une préface de Calvino, 1961, à une édition italienne de Candide. - 7. La Princesse de Babylone, 1768 - |
Moreau le jeune, illustration de Candide "Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village" Candide, ch. III
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Jean Michel Moreau, dit Moreau le Jeune pour le distinguer de son frère, Gabriel, dit Moreau
l'Aîné, lui aussi graveur, est dessinateur et graveur
(1741–1814).
Cette gravure appartient à l'édition de Candide de 1787. Il s'agit de l'édition des oeuvres complètes de Voltaire organisée par Beaumarchais (son projet remonte à 1780) et imprimée à Kehl (Allemagne) entre 1783 et 1789, avec des annotations de Condorcet. Elle comprend 70 volumes et sera, en même temps, une réussite éditoriale et un échec financier pour Beaumarchais. Les dessins de Moreau le jeune ont été gravés en taille-douce, pour cette édition, par Pierre Charles Bacquoy. Pour l'édition suivante, plusieurs graveurs se partageront la tâche. Candide, chapitre III "Il passa par dessus des tas de morts et de mourants et gagna d'abord un village voisin; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici, des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes; là, des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres à demi brûlées criaient qu'on acheva de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares et les héros abares l'avaient traité de même. Candide toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre [...]" Le dessinateur a utilisé ces éléments du texte pour représenter les "horreurs de la guerre" en les affectant d'un coefficient pathétique que l'ironie de Voltaire ne permettait pas. Les membres coupés sont suggérés, la nudité des corps renforce le pathétique, comme la présence du mouton évoquant l'expression "boucherie héroïque". Le mouton, comme le chien hurlant au ciel et le personnage de gauche l'implorant, disent le vide de ce même ciel, masqué par la fumée et les flammes, c'est-à-dire la trahison de la religion qui bénit les massacres au lieu de les empêcher. La position de Candide, à la limite du cadre, traduit plus encore que le mouvement, son désir de fuite, comme les mains ouvertes, dont la gauche semble repousser la vision des corps dénudés et enchevétrés, tout en les soulignant, en même temps, puisqu'elle forme un cadre avec la main levée de celui/celle qui implore. |
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