Les Rougon-Macquart - Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire, Emile Zola, 1871-1893

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A propos de Zola, ce site contient
: 1. Une biographie de l'auteur - 2. Une présentation de Germinal, 1885 -  3. Une présentation de La Curée, 1871 - 4. Le Ventre de Paris, 1873 - 5. Une présentation de L'Oeuvre, 1886 -




Dans L'Oeuvre, 1886, le personnage de l'écrivain, Pierre Sandoz, auquel Zola a prêté un certain nombre de ses ambitions, confie à son ami Claude Lantier qu'il a enfin trouvé ce qu'il cherchait :



"Hein ? étudier l'homme tel qu'il est, non plus leur pantin métaphysique, mais l'homme physiologique, déterminé par le milieu, agissant sous le jeu de tous ses organes... N'est-ce pas une farce que cette étude continue et exclusive de la fonction du cerveau, sous le prétexte que le cerveau est l'organe noble ?.... La pensée, la pensée, eh ! tonnerre de Dieu ! la pensée est le produit du corps entier. Faites donc penser un cerveau tout seul, voyez donc ce que devient la noblesse du cerveau, quand le ventre est malade !... Non ! c'est imbécile, la philosophie n'y est plus, la science n'y est plus, nous sommes des positivistes, des évolutionnistes, et nous garderions le mannequin littéraire des temps classiques, et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure ! Qui dit psychologue dit traître à la vérité. D'ailleurs, physiologie, psychologie, cela ne signifie rien: l'une a pénétré l'autre, toutes deux ne sont qu'une aujourd'hui, le mécanisme de l'homme aboutissant à la somme totale de ses fonctions... Ah ! la formule est là, notre révolution moderne n'a pas d'autre base, c'est la mort fatale de l'antique société, c'est la naissance d'une société nouvelle, et c'est nécessairement la poussée d'un nouvel art, dans ce nouveau terrain... Oui, on verra, on verra la littérature qui va germer pour le prochain siècle de science et de démocratie !”
Son cri monta, se perdit au fond du ciel immense. Pas un souffle ne passait, il n'y avait, le long des saules, que le glissement muet de la rivière. Et il se tourna brusquement vers son compagnon, il lui dit dans la face :
“Alors, j'ai trouvé ce qu'il me fallait, à moi. Oh ! pas grand-chose, un petit coin seulement, ce qui suffit pour une vie humaine, même quand on a des ambitions trop vastes... Je vais prendre une famille, et j'en étudierai les membres, un à un, d'où ils viennent, où ils vont, comment ils réagissent les uns sur les autres ; enfin, une humanité en petit, la façon dont l'humanité pousse et se comporte... D'autre part, je mettrai mes bonshommes dans une période historique déterminée, ce qui me donnera le milieu et les circonstances, un morceau d'histoire... Hein ? tu comprends, une série de bouquins, quinze, vingt bouquins, des épisodes qui se tiendront, tout en ayant chacun son cadre à part, une suite de romans à me bâtir une maison pour mes vieux jours, s'ils ne m'écrasent pas !”
Il retomba sur le dos, il élargit les bras dans l'herbe, parut vouloir entrer dans la terre, riant, plaisantant.






La période historique déterminée

Le Second Empire, du coup d'Etat du 2 décembre 1851 à la guerre franco-prussienne et à l'écrasement de la Commune par les Versaillais, fin mai 1871.

La famille [telle que la définit l'arbre généalogique de 1893] :

A l'origine

Adélaïde Fouque (orpheline à 18 ans, née en 1768, père mort fou)  qui a épousé son jardinier, Rougon, en 1786, dont elle un fils : Pierre Rougon, né en 1787. Après la mort de Rougon (1788), elle prend pour amant Macquart (braconnier, contrebandier,  alcoolique, meurt en 1810, tué par un douanier) dont elle aura un fils :  Antoine, né en 1789, et une fille : Ursule, née en 1791. Adélaïde a toute sa vie des crises nerveuses, mais devient totalement folle en 1851, pendant le coup d'Etat de Louis Bonaparte, lorsqu'elle voit son petit-fils, Silvère Mouret, 17 ans,  abattu par un gendarme. Il faut l'enfermer dans un asile où elle mourra en 1873, âgée de 105 ans.

2e génération

Pierre Rougon épouse Félicité Puech dont il a cinq enfants ; trois fils : Eugène, né en 1811, Pascal, né en 1813, Aristide, né en 1815 (qui deviendra Saccard), et deux filles : Sidonie, née en 1818,  et Marthe née en 1820.
Ursule Macquart épouse Mouret dont elle aura trois enfants. Une fille : Hélène, née en 1824 ; deux fils : François, né en 1817,  et Silvère, né en 1834. Elle meurt de phtisie en 1840, son mari se suicide.
Antoine Macquart épouse Joséphine Gavaudan. Ils auront trois enfants. Deux filles : Lisa, née en 1827, et Gervaise, née en 1828 ; un fils : Jean, né en 1831.

3e génération  

Eugène Rougon,  sans enfant.
Aristide Rougon devenu Saccard (qui change de nom pour ne pas géner son frère Eugène — "Saccard, Aristide Saccard !... Avec deux c... Hein! Il y a de l'argent dans ce nom-là; on dirait que l'on compte des pièces de cent sous." — aura deux enfants de son mariage avec Angèle Sicardot : Maxime, né en 1843, et Clotilde, née en 1847.
Pascal Rougon, célibataire, médecin, s'intéresse à l'hérédité, aura un enfant de Clotilde Saccard : l'enfant inconnu, encore à naître, du dernier roman de la série.
Sidonie Rougon se marie  à un monsieur Touche, qui l'abandonne, et a un fils : Victor, né en 1853, qui prendra aussi le nom de Saccard, et une fille adultérine, Angélique, née en 1851, qu'elle abandonne aux enfants trouvés.
Marthe Rougon épouse François Mouret. Ils auront trois enfants, deux garçons : Octave et Serge, et une fille : Désirée.
Silvère Mouret meurt pendant le coup d'Etat de 1851.
Hélène Mouret se marie et a une fille : Jeanne Granjean.
Lisa Macquart épouse Quenu. Ils ont une fille : Pauline Quenu
Gervaise Macquart a un amant, Lantier, avec lequel elle aura trois fils : Claude, né en 1842, Jacques, né en 1844, et Etienne, né en 1846. Elle se marie ensuite avec Coupeau dont elle aura une fille, Anna, dite Nana, née en 1852.
Jean Macquart, menuisier, puis soldat (campagne d'Italie), devient ensuite paysan en Beauce. Il épouse Françoise Fouan. Jean s'engage au moment de la guerre franco-prussienne.


4e génération

Maxime Saccard, marié à Louise de Mareuil, veuf l'année même de son mariage, père d'un garçon, Charles, fils d'une servante, né avant son mariage.
Clotilde Saccard, maîtresse de Pascal Rougon, enceinte à la fin de la série.
Pauline Quenu
Claude Lantier devient peintre, vit avec Christine (une jeune provinciale orpheline) qu'il finit par épouser, ils ont un enfant, Jacques, qui meurt à 12 ans.
Jacques Lantier, mécanicien de locomotive, meurt au cours d'une bagarre en tombant de sa locomotive.
Etienne Lantier, ouvrier, à la fin de Germinal, part pour Paris rejoindre le combat syndicaliste. [Mineur, vit encore, à Nouméa, déporté. Marié là-bas, dit-on, et a des enfants peut-être, qu'on ne peut classer. écrit Zola dans l'arbre généalogique de 1893, ce qui sera intégré au dernier roman, Le Docteur Pascal : "Il s'était compromis dans l'insurrection de la Commune, dont il avait défendu les idées avec emportement ; on l'avait condamné à mort, puis gracié et déporté, de sorte qu'il se trouvait maintenant à Nouméa ; on disait même qu'il s'y était tout de suite marié et qu'il avait un enfant..." ]
Anna Coupeau devient Nana, prostituée ; elle meurt de la petite vérole (variole)
Octave Mouret fait fortune à Paris où il devient propriétaire du Bonheur des dames (modèle du grand magasin) en épousant sa propriétaire, veuve. Devenu veuf à son tour, il épouse Denise Baudu.
Serge Mouret devient prêtre et vit avec sa soeur, Désirée, retardée mentale.


DATES
publication
TITRES EBAUCHES, NOTES PERSONNAGES DE LA FAMILLE MILIEU
1871 La Fortune des Rougon "Le premier épisode aura pour cadre historique le coup d'Etat, dans une ville de province, sans doute une ville du Var." (1er plan, fin 1869)
La famille Rougon : Pierre Rougon et sa femme, Félicité Puech ; leurs deux fils: Eugène et Aristide. La famille Macquart : Adélaïde dite Tante Dide, Antoine Macquart, Silvère Mouret. ville de province (Plassans).  Coup d'Etat de 1851.
1871 La Curée "Un Roman qui aura pour cadre les spéculations véreuses et effrénées du second Empire [...] L'oeuvre sera le poème ou plutôt la terrible comédie des vols contemporains." Aristide Rougon (devenu Saccard, pour ne pas géner la carrière politique de son frère Eugène) - Maxime Saccard (son fils) - Sidonie Rougon - Eugène Rougon.
Paris : finances et investissements.
1873 Le Ventre de Paris Deux types opposés, la bourgeoisie, en la personne de Lisa, ayant "le respect du clergé, l'amour des saines doctrines, le respect des gouvernements forts", et Florent "un type de républicain ardent, d'idéaliste démocrate, un grand type à coeur"
Lisa Macquart (soeur de Gervaise ; mariée à Quenu)
Claude Lantier (son neveu)
Paris : Les Halles . Commerce de gros et de détail - alimentation
1874 La Conquête de Plassans    Marthe (fille de Félicité et Pierre Rougon) et son mari François Mouret
 Plassans : le rôle de l'Eglise dans l'instauration du règime
1875 La Faute de l'abbé Mouret "Grande lutte de la nature et de la religion. Le prêtre amoureux n'a jamais, selon moi, été étudié." Serge Mouret, sa soeur Désirée Mouret, le docteur Pascal Rougon Un village provençal (les Artaud) - une propriété, Le Paradou, à "une lieue" des Artaud. 
1876 Son Excellence Eugène Rougon "Un roman qui aura pour cadre le monde officiel et pour héros, Eugène Rougon, l'homme qui a aidé au coup d'Etat [...] L'ambition d'Eugène est plus que celle des autres membres de la famille. Il a moins soif d'argent que de puissance. Mais le sens de la justice lui manque, il est un digne soutien de l'Empire." Eugène Rougon  
1877 L'Assommoir "Peinture d'un ménage d'ouvriers à notre époque. Drame intime et profond de la déchéance du travailleur parisien sous la déplorable influence du milieu, des barrières et des cabarets." Gervaise Macquart monde ouvrier parisien
1877 Une page d'amour    Hèlène Mouret (fille de Marthe et de François, soeur d'Octave)
 
1880 Nana "Un roman qui a pour cadre le monde galant [...] Une créature pourrie et nuisible à la société [...] Outre les effets héréditaires, il y a [...] une influence du milieu contemporain." Anna Coupeau (fille de Gervaise) dite "Nana" Paris : le monde des théâtres, de la prostitution.
1882 Pot-Bouille "Montrer la bourgeoisie à nu, après avoir montré le peuple, et la montrer plus abominable, elle qui se dit l'ordre et l'honnêteté." Octave Mouret (Fils de Marthe Rougon et François Mouret) bourgeoisie (petite et moyenne) - commerce - professions libérales.
1883 Au Bonheur des Dames   Octave Mouret Commerce (passage de la petite boutique au grand magasin)
1884 La Joie de vivre   Pauline Quenu (fille de Lisa Macquart)  
1885 Germinal
"Le roman est le soulèvement des salariés, le coup d'épaule donné à la société, qui craque un instant : en un mot la lutte du travail et du capital." Etienne Lantier (fils de Gervaise et de son premier amant) Le monde ouvrier - les mines de charbon - naissance du syndicalisme
1886 L'Oeuvre "Un roman qui aura pour cadre le monde artistique. [...] Effet singulier de l'hérédité transmettant le génie à un fils de parents illettrés."
Claude Lantier (fils de Gervaise et de son premier amant) - présent aussi dans Le Ventre de Paris. Les artistes
1887 La Terre "Je voudrais faire pour le paysan avec La Terre, ce que j'ai fait pour l'ouvrier avec Germinal." (lettre)  Jean Macquart
paysannerie : la Beauce
1888 Le Rêve "la case réservée pour l'étude de l'au-delà" (lettre, mars 88)  Angélique Rougon (fille de Sidonie Rougon, abandonnée par sa mère)
 mysticisme
1890 La Bête humaine "Un roman qui aura pour cadre le monde judiciaire [...] Cas étrange de criminel par hérédité, qui sans être fou, tue un jour dans une crise morbide poussé par un instinct de bête." Jacques Lantier (fils de Gervaise et de son premier amant) monde ouvrier = chemins de fer.
Justice
1891 L'Argent   Aristide Saccard la finance et le capital
1892 La Débacle  "Je veux surtout peindre cette terrible bataille de Sedan, une fresque immense, la pire des fatalités qui se soient abattues sur un peuple" (lettre à Van Santen Kolff, 6 mars 1891)
 Jean Macquart
la guerre, l'armée
1893 Le Docteur Pascal "Il est vrai que le livre finira par une mère allaitant son enfant. [...] La vérité, c'est que je conclurai par le recommencent éternel de la vie, par l'espoir en l'avenir, en l'effort constant de l'humanité laborieuse." (lettre, février 1893) Pascal Rougon (frère d'Eugène et d'Aristide), médecin
Clotilde Saccard
le monde de la science

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