2 avril 1840 : Emile Zola

coquillage



A propos de Zola, ce site contient
: 1. Une présentation des Rougon Macquart - 2. Un présentation de Germinal (1885) - 3. Une présentation de L'Oeuvre (1886)- 4. Une présentation de La Curée (1872)- 5. Le Ventre de Paris (1873)




Enfance provençale et jeunesse parisienne

    
     Emile Zola naît à Paris, d'un père italien (de Venise) et d'une mère beauceronne. Il ne deviendra français, par naturalisation, qu'en 1862.
Il passe son enfance et sa première jeunesse à Aix-en-Provence où travaille son père qui est ingénieur. La mort de celui-ci, en 1847, laisse la mère et le fils dans une situation difficile. En 1858, Mme Zola a décidé de revenir à Paris, mais la situation ne s'améliore guère et la jeunesse de Zola sera celle des pauvres, contraint d'abandonner ses études pour travailler et gagner sa vie ce qui n'est pas si facile : "Depuis plus d'un an je fais une chasse féroce aux emplois; mais si je cours bien, ils courent mieux encore." écrit-il à ses amis d'Aix-en-Provence (Cézanne, Baille, Valabrègue). En 1860, il trouve enfin un petit emploi aux douanes, puis en 1862 chez l'éditeur Hachette, où il commence par faire des paquets, avant de devenir responsable de la publicité. Il y travaillera jusqu'en 1866.
     Depuis le collège, Emile Zola écrit, et la littérature est son horizon. Un horizon alors tout romantique dont les grands noms sont Hugo, Musset. Voilà pourquoi l'expérience de Hachette lui sera profitable : il va connaître les coulisses de la création littéraire, tout ce qui relève de ce que Bourdieu nomme "le champ littéraire", il en tirera nombre de leçons dont la première est que la littérature est un commerce, donc un métier. Marc Bernard (Zola par lui-même) condense ainsi cette expérience: "Un livre est fait pour être vendu, et tous les moyens sont bons qui tendent à ce résultat."
En même temps qu'il travaille pour Hachette, il travaille aussi pour lui et parvient à faire publier, en 1864, par Hetzel, les Contes à Ninon et en 1865, La Confession de Claude : pas vraiment de succès mais un accueil assez favorable de la critique; il écrit aussi pour divers journaux dont Le Figaro ; il y tient une chronique littéraire et un "salon" où ses partis-pris picturaux font scandale : ne défend-il pas Manet et la jeune peinture en attaquant tous les peintres reconnus ? En 1866, il réunit ces chroniques dans Mes haines, pour les chroniques littéraires,  et Mon Salon, pour la critique d'art. Zola est un nom qui commence à rencontrer un écho.
En 1866, il quitte donc Hachette bien décidé à vivre de sa plume, ce qui n'ira pas sans difficultés, d'autant qu'il a à sa charge sa mère et sa compagne, depuis 1865, Alexandrine Meley. Il lui faudra trouver d'autres piges, ce qu'il fera, dans divers journaux, la majorité d'inspiration républicaine. Zola est trop fin pour ne pas percevoir que l'avenir est là, même si, sans doute, il n'y a pas que du calcul dans ces choix. N'évoluera-t-il pas jusqu'à une certaine proximité avec le socialisme ? Cela n'empêche pas que, nécessité faisant loi, il écrit aussi pour d'autres journaux comme L'Evènement illustré ou Le Gaulois. En 1867, il rédige un feuilleton pour un journal de Marseille: Les Mystères de Marseille : il y applique la technique du rebondissement nécessaire à ce type d'écrit et apprend à exploiter une documentation à des fins littéraires. Elle fournit une peinture de février 1848 et de l'épidémie de choléra de 1849.
Il publie aussi un roman, Thérèse Raquin. L'année suivante, ce sera Madeleine Férat et une nouvelle édition de Thérèse Raquin augmentée d'une préface.




Zola, 25 ans

Emile Zola en 1865, ce jeune-homme qui avait décidé de réussir et de "vivre indigné".



Les Rougon-Macquart (1871-1893)

      Après la publication de Madeleine Férat, Zola se lance dans un projet, inspiré à la fois par Balzac et sa Comédie humaine, par la lecture de Claude Bernard (Introduction à la médecine expérimentale, 1865) et celle du Traité de l'Hérédité naturelle du docteur Lucas (1850) : il veut faire l'histoire d'une famille en suivant la double trajectoire des individus et de la société dans laquelle ces individus évolueront, c'est-à-dire le second Empire.  La première mention du projet est connue par le Journal des Goncourt : "[...]  faire l'Histoire d'une famille, roman en dix volumes." (14 décembre 1868) ; en août 1869, est rapporté ce propos : "[...] une épopée en dix volumes, [...] l'Histoire naturelle et sociale d'une famille qu'il a l'ambition de tenter, avec l'exposition des tempéraments, des caractères, des vices, des vertus, développés par les milieux et différenciés comme les parties d'un jardin où il y a de l'ombre, où il y a du soleil."
Quand il propose son projet à un éditeur, Lacroix, dont Charpentier prendra la suite (Lacroix publie les deux premiers romans en 1871, puis fait faillite, et Théophile Gautier s'entremettra pour que Charpentier prenne le projet de Zola et rachète les deux premiers romans), ce sont bien 10 romans prévus qui en deviendront 20 au fil du développement, et cela très vite, puisque dès 1872, il en liste déjà 18.
Dans un projet de préface datant du début de son travail, Zola disait : "Je désire montrer comment une famille, un petit groupe d'êtres se comporte en s'épanouissant pour donner naissance à dix, vingt individus, qui paraissent au premier coup d'oeil, profondément dissemblables, mais que l'analyse révèle comme intimement liés les uns aux autres. L'hérédité a ses lois comme la pesanteur."
L'ensemble aura pour titre : Les Rougon-Macquart — Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second Empire.
Le premier roman est publié en 1871 et le dernier en 1893. Il aura fallu plus de vingt ans à l'écrivain pour mener à bien son projet. Chacune de ces oeuvres fera scandale, le mot qui reviendra le plus souvent pour le stigmatiser sera celui d' "obscénité". C'est un mot qui sert beaucoup dans la seconde moitié du XIXe siècle. La réponse de Zola n'est pas différente de celle de Flaubert et de bien d'autres: "Pour moi la question du talent tranche tout en littérature. je ne sais pas ce que l'on entend par un écrivain moral et un écrivain immoral [...] Une page bien écrite a sa moralité propre qui est dans sa beauté, dans l'intensité de sa vie et dans son accent. [...] Pour moi, il n'y a d'oeuvres obscènes que les oeuvres mal pensées et mal exécutées." (Lettre au directeur de La Cloche, Ulbach, du 9 septembre 1872. Le journal publiait alors, en feuilleton, La Curée.)






Le succès ne viendra qu'en 1877 avec L'Assommoir. Le roman surprend à la fois par ses personnages issus du monde ouvrier et par sa langue, Zola s'est en effet emparé du style indirect libre et des glissements de points de vue chers à Flaubert qui permettent de faire entendre une voix populaire inouïe jusqu'à lui dans le roman. Il fait naître bien des contresens : les milieux ouvriers s'en indignent, les bourgeois s'en réjouissent y trouvant confirmation de leur mépris pour les pauvres.
Mais les ventes vont bon train et Zola peut même s'acheter, avec ses droits d'auteur, une petite maison à Médan, dans la banlieue parisienne, où il vivra avec Alexandrine qu'il a épousé en 1870, la plus grande partie de l'année, ne passant plus que l'hiver à Paris.
L'écriture des Rougon-Macquart n'empêche nullement Zola de continuer à écrire pour les journaux, pour le théâtre, avec un succès mitigé,  et même pour la scène lyrique (adaptation du Rêve sur une musique d'Alfred Bruneau, en 1891; puis toujours avec Alfred Bruneau, Messidor, en 1893).
Il apparaît comme le chef de file de la jeune littérature pour laquelle il va inventer un drapeau :

le Naturalisme

Zola a développé dans de nombreux écrits doctrinaux ses idées sur la création littéraire, surtout dans les années 1880-81 (Le Roman Expérimental, 1880; Les Romanciers naturalistes, Le Naturalisme au théâtre, Documents littéraires, 1881). Mais sa réflexion s'est élaborée progressivement à travers ses lectures et sa pratique de l'écriture. Dans sa recension de la Bible illustrée par Gustave Doré (1865) il s'affirme "réaliste" , c'est-à-dire quelqu'un qui a "souci de la réalité", qui étudie "la nature vraie et puissante", qui est "dans la vie". Ce mot, réaliste, caractérise depuis une dizaine d'années des oeuvres (Champfleury, Duranty, Flaubert, Goncourt)  qui entendent à la fois donner au roman le caractère d'une oeuvre d'art au même titre que la poésie, et lui donner comme rayon d'action toute la société, sans restriction, en récusant les hiérarchies entre sujets "dignes" ou "indignes" d'accèder à l'écriture, à la mémoire.
La lecture de Taine pousse Zola à préférer à "réaliste" le mot "naturaliste". C'est un mot  ancien, il nomme le savant qui étudie la nature comme Linné ou Geoffroy Saint Hilaire (auxquels Balzac déjà associait son oeuvre). Voir dans le critique et l'historien un "naturaliste" c'est  "introduire dans l'étude des faits moraux l'observation pure, l'analyse exacte employée dans celle des faits physiques." (article dans L'Evénement, juillet 1866)



Steinlein

Affiche de Steinlein (1858-1923) pour l'adaptation théâtrale de L'Assommoir en 1879. (Musée de l'Affiche, Paris)


Il prend pour modèle Balzac, mais surtout Flaubert auquel il consacre deux études en 1875 et 1880 (à la mort de l'écrivain devenu son ami après 1869) : "Le premier caractère du roman naturaliste, dont Madame Bovary est le type, est la reproduction exacte de la vie, l'absence de tout élément romanesque. [...] Le roman va devant lui, contant les choses au jour le jour, ne ménageant aucune surprise, offrant tout au plus la matière d'un fait divers; et quand il est fini, c'est comme si on quittait la rue pour rentrer chez soi."
Ce qui, naturellement, est forcer un peu les choses. Dans La préface de Pierre et Jean, Maupassant remettra un peu d'ordre dans cet excès, tant il est évident qu'un romancier CHOISIT et n'est pas simplement une machine enregistreuse du réel. Flaubert, qui n'aimait pas les étiquettes, lui reprochait "toute cette blague [...] avec laquelle [il] aide au succès de ses livres", et Zola lui avait répondu: “Oui, c’est vrai que je me moque comme vous de ce mot naturalisme, et cependant, je le répèterai sans cesse parce qu’il faut un baptème aux choses pour que le public les croit neuves.” (Goncourt, Journal, 19 février 1877)
Du réalisme de Balzac au "naturalisme" de Zola, la différence la plus sensible n'est pas dans la peinture sociale, ils ont le même projet: peindre la société, donner à voir le monde qui est le leur, "être moderne" c'est-à-dire s'intéresser au monde dans lequel ils vivent, et 50 ans séparent Balzac de Zola, deux générations font beaucoup de changements. Dans son Salon de 1880, Zola fait de "modernité" le constant synonyme de "naturalisme", comme Champfleury le faisait de "réalisme". Tous ont pour maîtres mots, nature, observation, connaissance, analyse, logique. La différence se situe à la fois dans le caractère déterministe des événements, des actions, des comportements des personnages (tel que l'avait mis en oeuvre Flaubert dans Madame Bovary),  et dans l'attention prêtée par les écrivains dits "naturalistes" au corps, à la sexualité, au poids de la chair dans les comportements humains : plaisir et souffrance y sont des moteurs bien plus efficaces que la soif du pouvoir (qu'ils rapportent aussi, d'ailleurs, à la physiologie) ou celle de l'argent, bien qu'elles jouent aussi leur partie dans les oeuvres de Zola. Edmond de Goncourt notait d'ailleurs, avec son acrimonie ordinaire, dans son Journal, le 9 février 1882, "On pourrait dire de Zola que l'érotisme que donnent mes livres à dose homéopathique, par gouttes infinitésimales, ses romans à lui l'administrent au public par baquets, par cuveaux."
Zola, par ailleurs, revient quelque peu sur la rigidité de ses préceptes tels que Le Roman expérimental les posait. Et à Jules Huret, en 1891, il donne une réponse plus souple quant à l'évolution littéraire : "L'avenir appartiendra à celui ou à ceux qui auront saisi l'âme de la société moderne, qui, se dégageant des théories trop rigoureuses, consentiront à une acceptation plus lyrique, plus attendrie de la vie. Je crois à une vérité plus large, plus complexe, à une ouverture plus grande sur l'humanité, à une sorte de classicisme du naturalisme."


caricature de Gill

L'Eclipse
, avril 1876, caricature de Gill. La loupe est, avec le scalpel et le pot de chambre, l'attribut obligé de l'écrivain réaliste/naturaliste depuis les années 1850.
La caricature est plutôt amicale, il en est d'autres franchement ordurières.




Dans cette vie d'écrivain célèbre qui, après Les Rougon-Macquart, s'attaque à une nouvelle oeuvre qui sera la trilogie des trois villes: Lourdes (1894), Rome (1896) et Paris (1898), puis à une oeuvre encore plus ambitieuse qu'il veut intituler Les Quatre évangiles, deux événements vont infléchir la trajectoire. Un d'ordre privé, l'amour pour Jeanne Rozerot qui lui donnera deux enfants, réalisant ainsi l'un de ses grands désirs, un d'ordre public, l'affaire Dreyfus. Son engagement lui vaudra, outre une campagne de calomnies et d'insultes, un procès en février 1898 (un an d'emprisonnement et trois mille francs d'amende) qui le décidera à s'exiler à Londres et, peut-être, est-il même à l'origine de sa mort en 1902. Certains soupçonnent, en effet, l'asphyxie dont a été victime Emile Zola d'avoir eu une origine criminelle.
Mais ce courageux engagement portera ses fruits, et le capitaine Dreyfus sera gracié en 1899 (il aura quand même passé cinq ans au bagne) et réhabilité en 1906.
Zola aura encore le temps de terminer trois de ses Quatre évangiles : Fécondité (1899), Travail (1901), Vérité (1903). Le dernier, Justice, n'existe que par son titre et quelques notes.
A son enterrement, le 5 février 1902, Abel Hermant, dans son discours, dira : "Il a aimé la foule, pareille à un élément. La foule n'est jamais absente de son oeuvre ; on l'y sent latente, quand elle n'envahit pas le premier plan. La foule fut souvent son personnage unique, toujours son personnage préféré." Ce qui était une juste appréciation de son oeuvre.
Son convoi funéraire est accompagné par une délégation de mineurs qui le salue aux cris de "Germinal ! Germinal !"



J'accuse

La Une de L'Aurore, le 13 janvier 1898, avec l'éditorial en forme de lettre ouverte adressée au président de la république, Félix Faure.
Ce document est disponible en ligne sur la BnF.




A visiter
: le site de Veroniqua Leuilliot avec de nombreux documents écrits et iconographiques.
                la BnF, un dossier avec de nombreux documents, en particulier pour Au Bonheur des dames.
A écouter : l'émission "2000 ans d'histoire" du 4 juin 2008, Patrice Gélinet.
A utiliser
: un site proposant des liens relatifs à Zola et son oeuvre
la page de l'Assemblée nationale conçue pour le centenaire de l'entrée au Panthéon de Zola qui propose la discussion à l'Assemblée en 1908, pour le transfert des cendres. Cela vaut le voyage !
A lire : un hommage de Céline à Zola.
Sur le naturalisme, un choix de textes de Zola sur le site Magister.
La somme d'Henri Mitterand, Zola,  en trois volumes, parus chez Fayard : plus qu'une biographie, c'est une approche de l'oeuvre que Mitterand maîtrise comme personne.
Le livre de Paul Alexis, publié en 1882, Notes d'un ami.
Un article sur les caricatures de l'écrivain à son époque. Voir les caricatures : archives zoliennes.




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