DRAGONS : Le Berger vainqueur du dragon, Che Yang, 1959

coquillage




Autres textes relatifs aux dragons : Présentation générale 1. Ovide, Les Métamorphoses (le dragon de Cadmos) - 2. Tristan et Iseult (le dragon combattu par Tristan en Irlande) - 3. Un extrait de l'article "Dragon" dans le Grand Dictionnaire universel de Pierre Larousse - 4. La Légende dorée, Jacques de Voragine (le dragon de saint Georges). 5. Ray Bradbury, Le Dragon (nouvelle de 1948). 6. Le dragon de Troyes (Champagne). 7. La tarasque (Tarascon) - 8. Le Roman de la table ronde (les dragons de Merlin 9. Julio Ribera, le dragon Gri-grill -
10. L'Enchanteur, Barjavel (où se mêlent terreur et comique) -






Le texte suivant est traduit du Chinois. Il a été publié en 1959 par les Editions en Langues étrangères de Pékin. Les illustrations sont de Li Tien-Sin et le récit de Che Yang.
Le petit récit qui contient tous les ingrédients du conte, en particulier la répétition du chiffre trois : trois animaux adjuvants, trois attaques finales du dragon, possède aussi un caractère didactique puisqu'il souligne l'importance de la reforestation, à une époque où, par ailleurs, l'Occident ne se souciait guère de questions écologiques.
Le dragon y symbolise les forces de la nature, la pluie en particulier, ce qui correspond à l'imaginaire traditionnel du dragon, en Chine, mais ces forces doivent être contrôlées sous peine de détruire les hommes.




couverture du "Berger vainqueur du dragon"

Des nuages noirs se dessinaient à l'horizon. Dans la tour de guet on sonna la cloche d'alarme :
"Tan tan tan ! Tan tan tan ! ..."
Les hommes tremblaient de peur. Ils criaient : "Le dragon arrive ! Vite ! sauvons-nous!"
Les cris et les pleurs montaient dans la steppe.
Les nuages noirs approchaient rapidement, le ciel s'obscurcissait, le vent chargé de sable soufflait violemment. Le tonnerre grondait, c'était le dragon qui se mettait en colère.
Un courageux berger sauta sur son cheval et s'élança à la rencontre du méchant dragon.
Le coeur du berger était plein de rancune. C'était le dragon qui avait enlevé ses moutons dans un tourbillon, détruit sa récolte avec les sables et noyé sa maison sous une pluie torrentielle. Il voulait lutter contre le dragon coûte que coûte, il voulait le tuer de sa flèche. Les nuages noirs arrivaient au-dessus de sa tête, la terre tremblait. Le berger arrêta son cheval. Visant les nuages noirs, il lança une flèche. Un bruit épouvantable se fit entendre, il semblait que le ciel s'écroulait. On ne vit plus rien d'autre que le nuage noir emportant au ciel le berger et son cheval.
Le dragon voguait dans le ciel ayant enroulé le berger dans sa queue.
De nouvelles calamités s'abattirent encore sur la terre. Les troupeaux de moutons disparurent du pâturage, les maisons s'écroulèrent, les récoltes furent détruites, une pluie torrentielle tomba sans arrêt pendant trois jours, enfin tout sur la terre était la proie de l'inondation.
Le berger sur son cheval voguait dans l'espace ; le vent soufflait à ses oreilles, il tenait fermement sa bride et fermait les yeux. il se laissa flotter ainsi dans les nuages pendant trois jours et trois nuits.


Enfin, le berger et le cheval atterrirent dans une forêt qui s'étendait sur une haute montagne.
C'était vraiment une montagne très élevée ; des nuages blancs ceinturaient ses flancs. Le berger s'évanouit sur l'herbe, tandis que son cheval broutait près de lui.
Le berger reprit tout doucement conscience. En bruissant, les feuilles des arbres chantonnaient :
"Houa, houa, houa ! Houa, houa, houa !
Je ne crains pas la pluie, je ne crains pas le vent ;
Le vent vient à souffler, je courbe alors les reins ;
Quand l'eau du ciel descend, je l'absorbe en mon sein.
Je suis le génie des arbres, le vieux géant.
Des monts, le vigoureux athlète.
Houa, houa, houa ! Houa, houa ! ..."
Le berger se leva et aperçut alors un géant debout sur le sommet de la montagne. Sa taille pouvait bien atteindre trois cents mètres, ses cheveux et sa moustache étaient entièrement verts.
Le berger lui demanda :
  — Qui êtes-vous grand-père ?
  — Je suis le génie de la forêt. Quand es-tu arrivé ici mon enfant ?
 — J'ai été emporté par le dragon, grand-père. Pourriez-vous m'aider à tuer le dragon ?
  — Je ne sais pas s'il existe un dragon ou non, mais je veux bien t'aider.
Le génie remit tout de suite un sac de graines d'arbres au berger, en lui recommandant de les semer dans sa terre natale avant la pousse des herbes.
Le berger mit le sac sur son dos, enfourcha son cheval, et descendit la montagne. En chemin, il se répétait les paroles du génie de la forêt : "Il ne faut pas que les graines soient atteintes par l'humidité." Quand il pleuvait, il couvrait le sac de sa veste ; quand il passait une rivière, il le posait sur sa tête ; il veillait soigneusement à ce que le sac ne reçoive pas une seule goutte de pluie.
Un jour, en chemin, le berger aperçut un méchant loup qui poursuivait un lapin. Au moment où le loup allait bondir sur sa proie, le berger lui décocha une flèche.
Le petit lapin abaissa trois fois les oreilles vers son bienfaiteur en signe de remerciement.
Le berger poursuivit rapidement son chemin. Il fallait semer les graines avant la pousse des herbes.
Un autre jour, le berger aperçut un hérisson qui mordillait un ver de terre. le berger sauta à bas de son cheval, sortit son épée, et tua le hérisson. Le ver de terre était sauvé.
Le ver de terre inclina trois fois la tête vers lui pour le remercier.
Le berger continua sa route.
Le jour suivant, il vit un aigle féroce qui s'était emparé d'un pivert, et s'apprétait à le manger. Le berger lança une flèche et sauva ainsi le pivert.
Alors le pivert battit trois fois des ailes vers le berger en signe de remerciement.
Le berger continua son chemin. Il voulait semer ses graines d'arbres avant la pousse des herbes.
le berger arriva enfin dans son pays natal qui avait maintenant l'aspect d'un immense désert : les maisons s'écroulaient, les champs étaient couverts de sable, il n'y avait plus de troupeau dans les pâturages.
Le berger fit le serment de tuer le dragon.
Le berger suivit les conseils du génie de la forêt. Il se mit à planter ses graines d'arbres dans la terre. Dès le lever du soleil, son sac sur le dos, il se mit à planter les graines sans s'accorder de répit, mais, le soir venu, il n'avait planté que trois cents graines. Accablé de fatigue, il s'étendit sur le sol et s'endormit.
Il souffle un vent léger, les herbes pousseront bientôt. Réveille-toi ! berger, lève-toi vite pour semer les graines, si tu sèmes trop tard, les arbres ne pousseront plus.
Hélas, le berger n'a que deux mains, comment aurait-il le temps de semer toutes les graines ?
Le lapin sauvé par le berger l'avait suivi silencieusement. il vit que le moment était venu de témoigner sa reconnaissance. Il rassembla cinq mille lapins. Chacun prenant une graine dans sa bouche, creusa un trou, y enfouit la graine, et c'est ainsi qu'elles furent toutes rapidement plantées.
Le lendemain, quand le berger se réveilla, il vit partout des jeunes arbres qui poussaient. Enchanté, il pensait : "Qui donc m'a aidé à planter ces arbres ?" Il alla bien vite au bord de la rivière remplir une cruche d'eau. En travaillant du lever du jour jusqu'au coucher du soleil, il ne parvint qu'à arroser trois cents des jeunes arbres. Ecrasé de fatigue, il s'endormit sur le sol.
Au souffle léger du vent doux du printemps, les herbes poussent. Berger, lève-toi vite pour arroser, le temps passe, si tu ne les arroses, les arbres ne grandiront pas !
Mais hélas, le pauvre berger n'a que deux mains, comment aurait-il le temps d'arroser tous les arbres ?
Le ver de terre sauvé par le berger l'avait suivi silencieusement. Il vit que le moment d'aider le berger était arrivé. Il appela dix mille vers de terre pour l'ameublir, afin que les racines des petits arbres puissent bien puiser l'eau et qu'ils grandissent vite.
Le lendemain, quand le berger se réveilla, les petits arbres étaient déjà grands. "Qui donc m'a aidé à arroser les arbres ?" se dit-il. Puis il grimpa aux arbres pour les écheniller. Travaillant du lever du soleil jusqu'au couchant, il ne parvint qu'à débarasser trois cents arbres des chenilles. Rompu de fatigue, il s'endormit sur le sol.
Le vent du printemps souffle doucement, les herbes verdissent. Berger, lève-toi vite, pour enlever les chenilles, le temps passe, si tu n'en débarasses pas les arbres, ils ne pourront pas se couvrir de feuilles!
Mais hélas, le berger n'a que deux mains. Comment aurait-il le temps de débarasser les arbres de toutes les chenilles ?
Le pivert sauvé par le berger l'avait suivi silencieusement. Il attendait l'occasion d'aider le berger. Il vit que le moment était venu et appela cinq mille piverts pour becqueter toutes les chenilles des arbres.
Le vent du printemps soufflait doucement. Toutes les herbes étaient vertes. Les petits arbres grandissaient de jour en jour, puis ils devinrent de grands arbres solides. S'élevant l'un contre l'autre, ils formaient comme un écran de verdure. Quand le vent soufflait, ils chantaient tous ensemble :
"Houa, houa, houa ! Houa, houa, houa ! Nous voilà grands !"
Le berger monta sur son cheval et traversa la forêt. il trouva que le chant des arbres rappelait tout à fait celui du génie de la forêt.
Un jour, au loin à l'horizon, apparut un gros nuage noir. Dans la tour de guet on sonna la cloche d'alarme : "Tan tan tan ! Tan tan tan ! ..."
"Le dragon arrive ! Sauvons-nous vite !" Les gens affolés fuyaient.
Le berger monté sur son cheval se tenait devant les grands arbres. Il se disait : "Cette fois, avec leur aide, je tuerai certainement le dragon ! "
Un gros nuage noir flottait dans le ciel, le vent soufflait avec violence, la terre tremblait.
"Ron ron ron ! " entendait-on dans le ciel, c'était le dragon qui se mettait en colère.
Les grands arbres se serrrant l'un contre l'autre formaient comme un grand mur. Ils résistaient bravement aux attaques du vent, et chantaient :
"Houa, houa, houa ! Houa, houa, houa !
Qu'importent les assauts des sables et des vents
Pour des arbres, comme nous, vigoureux et grands.
"
Le ciel s'obscurcissait de plus en plus, le vent chargé de sable sifflait d'une façon terrifiante.
Les grands arbres se serrant l'un contre l'autre formaient comme un grand mur solide et chantaient :
"Houa, houa, houa ! Houa, houa, houa !
Holà ! le vent, nous ne sommes pas des peureux,
Mais des arbres forts et vigoureux..."
Toute la terre était plongée dans les ténèbres. Le dragon mugissait de colère. L'orage approchait. La pluie se déversa du ciel comme une cascade ; la terre et le ciel se confondaient en une immensité grisâtre.



attaque finale du dragon

Les grands arbres levèrent la tête, ouvrirent la bouche et de tous leurs pores absorbèrent toutes les eaux. Ils chantaient joyeusement.
"Houa, houa, houa ! Houa, houa, houa !
Les eaux nous sont de simples rafraîchissement ;
Nous sommes des arbres courageux et puissants.
Avec nous l'orage n'aura plus de désastres.
"
La pluie cessa de tomber, les nuages se dispersèrent, le ciel reprit sa sérénité. Les feuilles paraissaient plus vertes et plus belles que jamais.
Le berger monta sur la tour et sonna la cloche de paix : "Tan - tant - tan !"
Les hommes sortirent des cavernes, en criant joyeusement : "Le berger a tué le dragon, il apporte la paix à nos foyers !"
Les hommes se remirent à travailler dans les champs. Les bergers firent de nouveau paître leurs troupeaux dans la steppe.
Maintenant, le pays natal du berger devenait de plus en plus beau. Les arbres grandissaient de jour en jour et donnaient des graines.
Le berger remplit dix sacs de graines d'arbres, monta sur son cheval, mit les sacs derrière lui et s'apprêta à partir pour un lointain voyage.
On lui demanda : "Où veux-tu donc aller ?"
Il répondit : "je vais dans un pays lointain ; je voudrais semer les graines d'arbres dans tous les endroits déserts. Quand les arbres seront grands, ils pourront m'aider à tuer tous les dragons qui ravagent ces contrées, et les peuples pourront enfin mener une vie heureuse."







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