Le siècle
des Lumières
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A propos des Lumières, ce site contient : 1. des informations sur Diderot- 2. des informations sur Voltaire - 3. des informations sur Laclos - 4. des informations sur Rousseau - 5. des textes sur l'importance des voyages.- 6. Des informations sur l'abbé Prévost - |
Cadre chronologique :Préalable
: un cadre chronologique est utile pour fixer les idées,
mais justement les idées circulent dans la longue
durée. Il y a donc au XVIIe
siècle des indices de
ce qui va devenir dominant au XVIIIe
siècle. Les Libertins,
par exemple, c'est-à-dire les "libres
penseurs", ceux qui veulent penser en dehors de l'idéologie
religieuse. Cyrano de Bergerac, Gassendi, Gabriel
Naudé, et d'autres moins connus, sont des
penseurs qui sortent des
sentiers battus, s'interrogent, refusent les dogmatismes et les
fanatismes, ils sont déjà, par leur
volonté de raisonner et leur volonté de
tolérance, des "philosophes" avant la lettre. A la fin du
XVIIe
siècle, deux esprits majeurs : Pierre
Bayle qui
combattait la superstition et la crédulité,
prônait l'expérience, et Fontenelle qui menait le
même combat, jouèrent un rôle essentiel,
en rencontrant un public auquel ils préconisaient l'esprit
critique. Leur influence sera importante, et l'usage de la raison
pour
les hommes du siècle des Lumières sera toujours
et
d'abord critique, au double sens de la faculté d'examiner,
d'évaluer, mais aussi de combattre.
Un philosophe, au
sens traditionnel du terme, Locke
(1632 – 1704) et un savant, Newton (1642-1727) vont aussi alimenter
la réflexion du XVIIIe
siècle.
1715 : mort de Louis
XIV – début de la
Régence (Philippe d'Orléans) -
Après une fin de règne pesante qui a vu, avec la
Révocation de l'Edit de Nantes, renaître les
tensions religieuses, les persécutions contre les
Protestants, la Régence apparaît comme une
ouverture, une libération.
1721 : Lettres Persanes, Montesquieu - premier ouvrage de Montesquieu qui, grâce à la fiction du roman par lettres échangées entre deux Persans visitant l'Europe, jette un regard critique sur la fin du règne de Louis XIV et les débuts de la Régence. 1723 : Début du règne de Louis XV - Lettres philosophiques, Voltaire - propose une réflexion sur le modèle anglais (politique, économique et social — tolérance entre les diverses religions.) 1746 : Essai sur l'origine des connaissances humaines, Condillac - développe une pensée "sensualiste" : toutes nos connaissances viennent des sens. 1748 : De l'esprit des lois, Montesquieu [publié à Genève, l'essai est aussi vivement critiqué qu'admiré, mais il fait date dans la réflexion politique et pour longtemps] 1751 : publication du premier volume de L'Encyclopédie, co-dirigée par Diderot et D'Alembert - le grand oeuvre du XVIIIe siècle, à la fois dictionnaire des savoirs et réflexions sur les moyens de les développer, mais aussi oeuvre de propagande visant à diffuser les valeurs des Lumières. 1754 : Traité des sensations, Condillac - continue et précise l'ouvrage de 1746. 1755 : Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les hommes, Rousseau (un des apports essentiels de Rousseau dans la reconstruction imaginée de l'origine de l'humanité est de donner au pouvoir un fondement purement humain, ce qu'il n'est pas le premier à dire — Pascal, au XVIIe siècle faisait les mêmes réflexions dans Les Pensées — mais qu'il va énoncer d'une manière si convaincante que de nombreux lecteurs ont vu dans ce mythe le récit d'une réalité) 1759 : Candide, Voltaire (le conte philosophique le plus célèbre de Voltaire) 1761 : La Nouvelle Héloïse, Rousseau - roman par lettres dans lequel se profile une sensibilité pré-romantique. Un des grands succès littéraires du temps. 1762 : Du contrat social, Rousseau 1772 : derniers volumes de L'Encyclopédie 1774 : début du règne de Louis XVI 1782 : Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos : la liberté au risque du libertinage. début de la publication posthume des Confessions, Rousseau (terminée en 1789) - autobiographie, certes, mais aussi pièce essentielle de la philosophie rousseauiste : l'homme est un être de culture, il se construit. 1784 : première du Mariage de Figaro ou la folle journée, Beaumarchais 1789 : Révolution française 1795 : Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, Condorcet (publication posthume) - Condorcet y défend la thèse suivante : l'homme est perfectible, toute l'histoire de l'humanité le prouve. Peut se lire comme un bilan de la pensée des philosophes. Diderot, dont l'importance est essentielle,
n'apparaît pas ici parce
que la plus grande partie de son oeuvre n'a connu qu'une publication
confidentielle (dans La
Correspondance littéraire de son ami Grimm) ou pas de
publication du tout, ce qui est le cas des oeuvres, fondamentales pour
l'avenir : Jacques le fataliste et
son maître (dans La
Correspondance littéraire, puis en 1796), Le
Neveu de Rameau (seulement au XIXe siècle), Le Supplément
au
voyage de Bougainville (dans La
Correspondance littéraire, puis en 1796).
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Dans leur conclusion
de l'Introduction à
la vie littéraire du XVIIIe siècle (Bordas,1968), Michel
Launay et Georges Mailhos synthétisent le mouvement des Lumières ainsi:
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QU'EST-CE
QU'UN PHILOSOPHE ?
Dumarsais,
extrait
de l'article "Philosophe" de L'Encyclopédie
:
"Le philosophe croit qu'il [l'esprit] consiste à bien juger. Le philosophe n'est pas tellement attaché à un système qu'il ne sente toute la force des objections. La plupart des hommes sont si fort livrés à leurs opinions qu'ils ne prennent pas seulement la peine de pénétrer celle des autres. Le philosophe comprend le sentiment qu'il rejette, avec la même étendue et la même netteté qu'il entend celui qu'il adopte. L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes, mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins." Le philosophe est aussi un homme pratique : extrait d'une lettre de Voltaire à Damilaville, mars 1765 : "Le vrai philosophe défriche les champs incultes, augmente le nombre des charrues, et par conséquent des habitants; occupe le pauvre et l'enrichit ; encourage les mariages, établit l'orphelin; ne murmure point contre des impôts nécessaires, et met le cultivateur en état de les payer avec allégresse. Il n'attend rien des hommes, et leur fait tout le bien dont il est capable. Il a l'hypocrite en horreur, mais il plaint le superstitieux ; enfin il sait être ami." Raisons pour lesquelles le philosophe est un homme considéré comme dangereux, comme le rappelle plaisamment Diderot dans Jacques le fataliste et son maître : " [...] c'est une race d'hommes odieuse aux grands, devant lesquels ils ne fléchissent pas le genou ; aux magistrats, protecteurs par état des préjugés qu'ils poursuivent ; aux prêtres, qui les voient rarement au pied de leurs autels ; aux poètes, gens sans principes et qui regardent sottement la philosophie comme la cognée des beaux-arts, sans compter que ceux même d'entre eux qui se sont exercés dans le genre odieux de la satire, n'ont été que des flatteurs ; aux peuples, de tout temps les esclaves des tyrans qui les oppriment, des fripons qui les trompent, et des bouffons qui les amusent." |
Les Lumières, c'est la
sortie de l'homme hors de
l'état de tutelle dont il est lui-même
responsable. L'état de tutelle est l'incapacité
de se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est
soi-même responsable de cet état de tutelle quand
la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement
mais à une insuffisance de la résolution et du
courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! Aie
le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la
devise des Lumières.
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"Rapport
et projet de
décret sur l'organisation générale de
l'instruction publique"
Condorcet, avril 1792
Tant qu'il y aura des hommes qui n'obéiront pas à
leur raison seule, qui recevront leurs opinions d'une opinion
étrangère, en vain toutes les chaînes
auraient été brisées, en vain ces
opinions de commande seraient d'utiles vérités;
le genre humain n'en resterait pas moins partagé en deux
classes : celle des hommes qui raisonnent et celle des hommes qui
croient, celle des maîtres et celle des esclaves. |
Dans un de ses
livres récents, Adieu
les philosophes - que
reste-t-il des Lumières (Seuil, 2001),
Jean-Marie Goulemot
(spécialiste de cette période) en fait ce bilan
(pp. 22-23) :
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Mais
c'est peut-être dans la
connaissance de l'homme que le siècle se montre
plus inventif encore. Le questionnement sociologique est en germe dans De l'esprit des lois et régit les concepts de
moeurs ou de civilisation dont le siècle use. A une vision
essentialiste et fixiste de l'homme, cette nature humaine à
tout jamais définie, le XVIIIe
siècle oppose une
anthropologie problématique qui
inscrit l'homme dans le temps et l'espace. Non pas seulement le temps
de l'Histoire — la méthode historique,
l'élargissement du champ de l'Histoire doivent beaucoup aux
Lumières — , mais le temps de l'espèce, des
âges de la vie, ce qui fait que chaque homme est singulier et
général, porteur d'une histoire qui est celle de
tous en demeurant la sienne propre. L'intérêt du
siècle pour les monstres physiques (Buffon) ou moraux
(Diderot) illustre une réflexion qui refuse les
modèles posés à priori pour tenter de
comprendre la diversité, l'écart autant que la
norme. En ce sens, Sade est lui aussi fils des Lumières.
L'homme biologique, moral, est désormais un sujet en devenir. Rien ne lui est plus acquis. Le XVIIIe siècle, avec Diderot et mieux encore avec Buffon, pressent l'évolution, s'oppose avec force aux idées innées de Descartes, et se veut résolument sensualiste pour donner à l'acquis la part essentielle et légitimer ses nombreux progrès pédagogiques. En montrant que nos idées viennent de nos sens, il donne à la notion d'espace des usages modulables pour éviter de la réduire à une géographie territoriale. Et pourtant qui déniera à la géographie naissante, à la découverte de nouveaux mondes, un rôle fondamental dans la perception nouvelle de l'homme ? On a l'impression que l'élargissement de l'univers connu remet radicalement en cause la vision européanocentriste et chrétienne de l'homme, en ne considérant plus l'idée de nature humaine que comme le plus petit commun dénominateur.
Avec la lecture philosophique des
récits de
voyage, comme l'a montré Michèle Duchet [Anthropologie et histoire au
siècle des lumières,
Paris, Maspéro, 1975], se construit l'ethnologie comme
science
auxiliaire mais indispensable de l'anthropologie nouvelle. Le regard
porté sur l'autre tente de comprendre le pourquoi des
différences, la cohérence de ses formes de vivre,
d'aimer, de croire ou de mourir. Evoquant dans Le Supplément
au
voyage de Bougainville, l'île des Lanciers, où se
pratique
la stérilisation des femmes, Diderot montre qu'une telle
pratique, jugée barbare, et que les habitants de
l'île
créditent peut-être d'un sens religieux, constitue
la
réponse nécessaire de survie à
l'aridité de
l'île, incapable de nourrir une population trop nombreuse. Le
siècle passe d'une curiosité amusée ou
distante
à une volonté, proche de celle de Montesquieu
dans L'Esprit des lois, de
comprendre le pourquoi des différences.
Claude Lévi-Strauss a reconnu la dette de l'ethnologie moderne envers le Discours sur l'inégalité de Jean-Jacques Rousseau. Créditons Rousseau, ici plus modestement sans doute, du mérite d'avoir montré que l'homme se détermine par son environnement et n'a d'histoire biologique, intellectuelle et morale, qu'à travers le processus de socialisation rendu nécessaire par les modifications de son milieu naturel. Le langage, pas plus que la morale, la constitution et la transmission des techniques et des savoirs ne sont naturels, innés, inévitables. |
A visiter : l'exposition virtuelle de la BnF, "Lumières ! Un héritage pour demain." A découvrir : pour en savoir plus sur l'état de la langue française au XVIIIe siècle, une page de Jacques Leclerc, sur le site de l'Université Laval (Canada)
Des extraits de textes (Diderot, d'Helvétius, d'Holbach,
Condorcet) et le tableau de Hubert "Le dîner des philosophes" sur le site Magister.
A lire : l'article "philosophe"
(écrit par Dumarsais) de L'Encyclopédie.A lire : Le Siècle des lumières, Alejo Carpentier, 1962 (ou comment la Révolution atteint Cuba et les Caraïbes) ; Fils unique, Stéphane Audeguy, 2006 (en imaginant la vie du frère de Rousseau, l'auteur dresse un tableau intéressant de cette époque, et donne en sus à son personnage de nombreuses caractéristiques de Diderot). |